Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/437

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

elle le comprendre, quand il s’agira de l’étendre à tous les membres de l’Humanité en général ?

Ici encore, nous rencontrons Jésus cherchant à rapetisser la morale juive pour en élever d’autant plus la sienne propre. Car, le fondateur de la religion chrétienne a sciemment voulu se mettre en opposition sous ce rapport avec l’enseignement de la Synagogue, dont heureusement les éléments sont parvenus jusqu’à nous pour nous permettre d’élever prétention contre prétention. Mahomet a été plus modeste. Il s’est borné à reproduire à peu près le Décalogue. Jésus, au contraire, a voulu parfaire, comme si cela eût été possible ! sa formule si favorite : Mais moi je vous dis » trahit même la prétention d’innover et, effectivement, Jésus introduit une nouveauté dans son enseignement en détournant, comme nous allons le faire voir, de son sens biblique, cette expression : « Prochain », dès qu’il a fallu l’étendre non plus seulement au compatriote, au croyant ou au dissident, mais à l’homme en sa qualité de membre de la grande famille humaine.

Au préalable, qu’on nous permette une remarque. Il serait fort étrange que le Judaïsme ne possédât pas les maximes et les préceptes les plus charitables sur le devoir envers l’humanité en général, alors que nous le voyons aller jusqu’à formuler des prescriptions pleines de bienveillance et de pitié pour les animaux. La loi Grammont a fait époque en son temps. On n’a su, quand elle a paru, assez louer ce sentiment de condescendance qui va jusqu’à demander une répression légale des mauvais traitements infligés à des bêtes de somme. Combien plus admirable doit donc paraître une législation qui a aujourd’hui plus de trois mille ans de date, et qui punissait d’une peine afflictive[1] la simple action de museler le bœuf pendant qu’il foulait

  1. Voir Hoschen Hamischpat, chap. CCCXXXVIII, v. 2.