Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/442

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tons-le « Il a été dit aux anciens : Tu ne tueras pas et celui qui tuera sera punissable par les juges. Mais moi je vous dis que quiconque se met en colère contre son frère, sans cause, sera puni par le jugement, et celui qui dira à son frère Raca sera puni par le conseil, et celui qui lui dira fou sera puni par la géhenne du feu[1]. »

Franchement en quoi ces paroles surpassent-elles l’antique défense de l’homicide ? Elles n’ajoutent absolument rien au caractère d’universalité que nous venons de lui reconnaître ; elles cherchent tout simplement à en étendre la portée ; elles veulent dire ceci, qu’il n’est pas seulement défendu d’attenter à la vie du prochain, mais encore de se mettre en colère contre lui, de le déconsidérer en l’appelant fou, ou Raca, cerveau vide. Encore si Jésus avait omis les deux mots : sans cause, nous n’aurions rien à dire contre cette extension donnée au sixième des dix Commandements ; nous la louerions même, cette extension, comme reproduisant exactement celle donnée par le Judaïsme au même commandement bien longtemps avant la venue du docteur de Nazareth. Mais excuser la colère pour cause, ou, du moins, ne pas la condamner, ne pas la réprouver catégoriquement, cela ne légitimait pas l’assurance prétentieuse avec laquelle on s’est écrié : « Mais moi je vous dis. » Cela la justifiait si peu, que même l’extension tout à l’heure louée par nous, n’innove en rien sur celle déjà donnée par les écrits post-mosaïques. Jugez-en plutôt ! « Celui qui se met en colère, en portera le châtiment[2]. » « L’homme colère est très coupable[3]. » « Fuyez la société de l’homme colère[4], » il est l’instigateur de toutes les querelles[5] ; à quoi les Rabbins ajoutent que c’est être idolâtre que de céder à la

  1. Matth., chap. V, v. 21 et 22.
  2. Prov., chap. XIX, v. 19.
  3. Proverbes, chapitre XXIX. v. 21.
  4. Proverbes, chap. XXII, v. 24.
  5. Proverbes, chap. XV, v. 18.