Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/446

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Je te la prêterai demain. Un autre jour le prêteur devient à son tour emprunteur ; garde-toi de lui répondre par représaille : je ne te prêterai non plus que demain la hache que tu me demandes, car, cela s’appelle se venger. Et qu’est-ce que porter rancune ? C’est répondre pour les mêmes cas dans les termes suivants : Je veux bien te prêter ma hache, bien que tu n’aies pas voulu me prêter immédiatement ta faux ; le Pentateuque défend ces deux manières d’agir[1]. »

Encore une fois quelle délicatesse d’interprétation ! Peut-on après cela être surpris, quand on entend les Rabbins ajouter : « Oui, celui qui peut faire une prière pour son ennemi et qui ne la fait pas, est coupable devant Dieu. Dieu n’est-il pas bon pour chacun sur la terre ; n’est-il pas miséricordieux pour toutes ses créatures[2] ? » Que Salomon avait donc raison de dire : « Donne à manger à ton ennemi s’il a faim et offre-lui à boire s’il a soif[3] ; car le Seigneur, ajoute le Talmud, fait ainsi tous les jours, suivant cette parole de Rabbi Méir « Qui est comme toi, Seigneur, pardonnant le péché et faisant remise de la faute[4]. Imitons Dieu ; il rend le bien pour le mal, rendons aussi partout et toujours le bien pour le mal[5]. »

Voulez-vous encore savoir ce qu’a produit cette généreuse et noble morale prêchée par la Bible comme par les Écoles juives ? Lisez ce que l’apôtre Paul, disciple de Rabbi Gamaliel, a écrit aux Romains : « Bénissez ceux qui vous persécutent, bénissez-les et ne les maudissez pas ; ne rendez à personne le mal pour le bien ; ne vous vengez point. Si donc ton ennemi a faim, donne-lui à manger, et s’il a soif, donne-lui à boire[6]. »

  1. Talmud, traité Iomah, p. 23.
  2. Talmud, traité Berachoth, p. 12.
  3. Prov., chap. XXV, v. 21.
  4. Michée, chap. VII, v. 18.
  5. Midrasch Raba sur Schemath, chap. XXVI.
  6. Épitre aux Romains, chap. XII.