Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/50

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caractère de spiritualisme fortement accusé qui distinguait sa religion de celle de ses cruels vainqueurs. Rome plus tard, héritière de presque tout l’Olympe d’Athènes, n’eut pas plus de pouvoir sur lui, et jusqu’à la face des Empereurs si redoutables, ses docteurs osèrent affirmer et soutenir le grand et étonnant dogme juif de l’immatérialité absolue du Créateur : « Un jour, rapporte le Talmud, un empereur roinain demandait à Rabbi Josué de lui faire voir son Dieu Cela ne se peut, répond le Rabbi. L’empereur insista. Rabbi Josué alors le pria de fixer ses regards sur le soleil qui, à ce moment, dardait tous ses rayons. Il ne le put pas, naturellement, et Rabbi Josué s’adressant à lui : Comment, tu ne peux soutenir la clarté de cet astre qui n’est qu’une œuvre de notre Dieu, et tu prétendrais voir ce Dieu lui-même[1] ! »

Mais, dira-t-on, les prophètes, et encore les plus autorisés d’entre eux, ont bien prétendu avoir vu le Seigneur[2], et la Bible elle-même parle de Dieu comme s’il possédait les formes du corps. Ne lui prête-t-elle pas une tête, des yeux, une bouche, des mains ? L’objection est vieille ; la réponse que l’on y a faite l’est également[3] : « C’est vrai, on se sert dans les Saintes Écritures d’expressions qui semblent matérialiser le Dieu-esprit. Mais on sait que déjà les plus anciens traducteurs ou interprètes de la Bible, les Metourguemin, dont l’origine remonte jusqu’à Ezra, ont eu soin de nous apprendre que ce n’étaient là que des manières de s’exprimer pour se mettre plus universellement et plus facilement à la portée de toutes les intelligences. Ou bien il fallait renoncer à parler de Dieu, ou bien il fallait le faire dans un langage usuel, compréhen-

  1. Talmud, Traité Choulin, pages 59 et 60.
  2. Isaïe, chap. VI, v. 2. — Ézéchiel, chap. 1, v. 26.
  3. Saadia, Livre des croyances et des opinions, chap. II, § 5.