Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/71

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infortune[1]. Ailleurs, enfin, le Talmud raconte : jour, plusieurs rabbins étaient allés faire visite à Rab-Houna. Celui-ci se plaignit à eux d’un malheur qui venait de le frapper. Aussitôt, les rabbins l’engagent à examiner sa conduite passée. Eh quoi ! répond Rab-Houna, me soupçonneriez-vous d’avoir commis une mauvaise action ? Croirais-tu plutôt, lui répliquent-ils, que Dieu pût te frapper injustement ? Alors, dites-moi mon péché, répond Rab-Houna. Immédiatement, ses collègues lui racontent avoir appris sur son compte d’avoir refusé à son jardinier la part de bois sec coupé dans la vigne qui lui revenait de droit. Rab-Houna s’empressa de lui restituer cette part, et le sort lui redevint favorable[2] ? »

En tout et partout, la justice de Dicu, voilà ce que les docteurs juifs voient et veulent faire voir à tous les fidèles de la Synagogue. Et si cette justice est quelquefois sévère[3], elle est le plus souvent douce, conciliante, et se laisse fléchir par une prière, par une larme, par un sentiment de repentir[4]. On connaît l’ingénieuse observation faite par la Synagogue sur la qualification d’Elohim, c’est-à-dire de Dieu fort donnée au Créateur dans le premier livre de la Genèse : Au commencement, dans le principe, Dieu avait le dessein de gouverner le monde rien que par les lois de la justice. Mais ayant prévu que l’homme tournerait au péché, il se hâta de joindre à cet attribut de la justice celui aussi de la miséricorde. Il pressentait que, sans une extrême clémence de sa part, l’humanité ne pourrait subsister. C’est pourquoi, à

  1. Citation tirée du Tana debé Eliah. Voir Talm., traite Ketouboth, p. 106, où l’on parle d’un Seder debé Eliah. Le livre que nous connaissons aujourd’hui sous la première rubrique a été rédigé, d’après Zunz, vers la fin de l’époque de Gaonim, en 974 de l’ère chrétienne.
  2. Talmud traité Berachoth, p. 5.
  3. Talmud Sanhédrin, p. 6.
  4. Talmud Berachoth, p. 54.