Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/90

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c’est lui qui m’a fait égarer, car il n’a que faire d’un homme pécheur. Le Seigneur hait toute abomination et elle déplaît aussi à ceux qui le craignent. Il a fait l’homme dès le commencement et l’a laissé dans la puissance de son conseil, lui donnant ses ordonnances et ses commandements… Il a mis devant toi le feu et l’eau pour étendre ta main où tu voudras[1] ». Cela a été écrit dans le pays de la Palestine et reproduit ensuite par une plume juive, dans la savante Alexandrie, plus de douze siècles après Moïse, tant le sentiment de la liberté s’était consolidé au fond du cœur de tout Israélite. N’était même le grand pas que le Judaïsme a fait faire au dogme de l’Unité de Dieu, nous nous hasarderions volontiers à dire que c’est la régénération de l’homme par le sentiment de la liberté qu’il s’est donné pour mission d’amener sur la terre. Comment, en effet, pouvait-il ne pas s’apercevoir que c’était surtout l’absence de ce sentiment qui maintenait la société ancienne dans cet état d’asservissement et de décrépitude prématurée, où elle se trainait depuis l’origine des siècles ? Il n’est rien qui abatte l’énergie, qui glace le courage, qui arrête et étouffe l’initiative, qui énerve la résolution comme l’idée du destin. Persuadez à un homme que son sort est écrit, il se laissera tomber au premier obstacle. Faites accroire à un peuple qu’une puissance occulte le mène à sa fantaisie et le fait marcher malgré lui à des destinées irrévocablement fixées, il acceptera tout ce qui pourra lui arriver, avec cette disposition d’esprit et de cœur qui n’est plus de la résignation, mais de l’apathie. Il courbera la tête sous le plus avilissant despotisme, parce que le despotisme lui paraît d’institution divine ; il croupira dans l’ignorance avec satisfaction, parce qu’il s’imagine que Dieu lui refuse la lumière

  1. Ecclésiastique, chap. XV, v. 11 et suivants.