Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/99

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Que nous sommes loin ici du fatalisme musulman proclamant « que tout homme porte son sort attaché à son cou[1] », ainsi que de la prédestination chrétienne qui nous déclare impuissants à faire notre salut si nous n’avons préalablement été visités par la grâce céleste ! Laisser tout à notre initiative et montrer Dieu favorisant la réussite de nos bonnes résolutions, de nos projets vertueux, nous prenant par la main et nous conduisant par-delà les dangers qui pourraient menacer notre piété, voilà ce que le Judaïsme tient à nous apprendre. L’élection d’Abraham, d’Isaac et de Jacob et l’élection du peuple Hébreu, ne sont pas autre chose que la confirmation de cette double vérité. Si les premiers ont reçu la mission de porter la connaissance de Dieu dans des pays lointains, et si le second a été fait le dépositaire de la divine loi appelée à régénérer le monde, ce fut parce qu’ils s’en étaient rendus dignes. Dieu qui connaît les secrètes aspirations de l’âme, et qui avait vu, au milieu de la corruption égyptienne, la saine partie d’Israël demeurer fermement attachée au culte professé par les patriarches, avait jugé que la nation hébraïque était seule apte à recevoir les tables d’alliance pour les porter aux extrémités de la terre ; il prévoyait qu’elle seule les tiendrait attachées sur sa poitrine, et qu’elle ne s’en séparerait pas au sein des plus épouvantables cataclysmes, parce qu’elle voudrait toujours ou surnager ou périr avec elles. Et ce qui achève de montrer que ce ne fut nullement par une prédestination quelconque ou par une élection toute de grâce, qu’Israël est devenu la sentinelle vigilante et l’héroïque défenseur du livre de la Loi, c’est que ce livre ne lui fut pas primitivement confié comme on confie un poste à un soldat, c’est-à-dire forcément, d’autorité. On le proposa à sa libre acceptation,

  1. Coran, chap. XVII.