Page:Sincère - Le Sorcier de Septêmes (paru dans Le Roman, journal des feuilletons Marseillais), 1873.djvu/8

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— Je n’ai ni feu, ni fromage, ni salade.

— Quelle turne et quelle ménagère !… c’est gracieux comme une porte de prison !… Mais il faut, que je mange, moi…

— Et moi il faut que je me recouche… et comme je suis souffrante, j’espère que tu voudras bien me faire le plaisir d’aller te coucher à côté, dans le lit d’Angélique, qui est tout préparé. De cette façon nous ne courrons pas le risque de nous déranger réciproquement.

En même temps elle se dirigea vers le lit qui occupait un des angles de la pièce, et porta la main à sa coiffe qu’elle ne paraissait pas avoir encore ôtée ou qu’elle avait dû replacer avec assez de soin avant d’aller ouvrir.

À ce geste, celui, qu’elle avait appelé Ambroise, et que nous nommerons ainsi à l’avenir, ne put se contenir davantage.

— Ah ! c’est comme ça ? s’écria-t-il. Eh bien ! va-t-en au diable et surtout restes-y !… Ta maladie ? je la connais comme ma poche… Elle t’arrive toujours à point quand j’ai besoin de toi. Ta migraine, c’est de la frime…

— De la frime ?

— Justement !… Et si ce freluquet de barbier qui tourne toujours autour de toi, venait en ce moment demander quelque chose, on en aurait la preuve tout de suite… Ah ! tu ne serais plus malade alors…

— Oh ! ces hommes !… ces hommes !… s’exclama Catherine à ce trait.

— Oh ! ces femmes !… répartit Ambroise sur le même ton.

— Et dire qu’il faut supporter cela.

— Sans leur casser les reins…

— Sans leur arracher les yeux…

— Filles, on les croyait douces comme des agneaux ; mariées, ce sont des harpies.

— Et vous autres… Vous êtes d’une exigence et d’une brutalité dont rien n’approche. Souffrons-nous ?… Vous n’y faites seulement pas attention. Dès que vous entrez chez vous, que nous soyons malades ou bien portante, il faut que nous vous servions comme des esclaves. Il faut surtout que nous nous gardions bien de nous plaindre.

— Conclusion : bien bête est l’homme qui prend femme.

— Et bien à plaindre est la femme qui prend un mari.

— C’est entendu !… Mais j’en reviens à mes moutons. Veux-tu, oui ou non, me donner à souper ?

— Je vais me recoucher… Voilà ma réponse.

Et de nouveau elle se dirigea vers le lit en ôtant sa coiffe cette fois.