Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/178

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Lorsque, dans un pays, la demande de ceux qui vivent de salaires, ouvriers, journaliers, domestiques de toute espèce, va continuellement en augmentant ; lorsque chaque année fournit de l’emploi pour un nombre plus grand que celui qui a été employé l’année précédente, les ouvriers n’ont pas besoin de se coaliser pour faire hausser leurs salaires. La rareté des bras occasionne une concurrence parmi les maîtres, qui mettent à l’enchère l’un sur l’autre pour avoir des ouvriers, et rompent ainsi volontairement la ligue naturelle des maîtres contre l’élévation des salaires.

Évidemment, la demande de ceux qui vivent de salaires ne peut augmenter qu’à proportion de l’accroissement des fonds destinés à payer des salaires. Ces fonds sont de deux sortes : la première consiste dans l’excédant du revenu sur les besoins ; la seconde, dans l’excédant du capital nécessaire pour tenir occupés les maîtres du travail.

Quand un propriétaire, un rentier, un capitaliste a un plus grand revenu que celui qu’il juge nécessaire à l’entretien de sa famille, il emploie tout ce surplus ou une partie de ce surplus à entretenir un ou plusieurs domestiques. Augmentez ce surplus, et naturellement il augmentera le nombre de ses domestiques[1].

  1. L’erreur du docteur Smith consiste à représenter tout accroissement dans le revenu ou le capital d’une société comme proportionnel à l’accroissement de ces fonds. Certes, l’individu qui jouira de cet excédant de capital ou de revenu le considérera comme un fonds additionnel lui permettant de maintenir plus de travail ; mais, à moins qu’une partie n’en soit convertible en une quantité additionnelle de provisions, cet excédant ne pourra, pour tout un pays, être un fonds réellement propre à maintenir un nombre supplémentaire de travailleurs : et partout où l’accroissement proviendra, non du produit de la terre, mais de celui du travail, cette conversion ne pourra avoir lieu. Il pourra s’établir dans ce cas une distinction entre le nombre de bras que le capital de la société pourrait employer et celui que son territoire peut soutenir.

    Le docteur Smith définit la richesse d’un État, le produit annuel de son territoire et de son travail. Il est évident que cette définition embrasse les produits manufacturiers comme les produits de la terre.

    Maintenant, supposons qu’une nation, pendant un certain nombre d’années, ajoute ce qu’elle a épargné de son revenu annuel à son capital manufacturier seulement, et à l’exclusion du capital réparti à la terre ; il est évident que, suivant la définition précédente, elle croîtra en richesse sans, pour cela, pouvoir entretenir un plus grand nombre de travailleurs et, dès lors, sans accroissement réel dans le fonds de subsistance du travail. Cependant, l’extension du capital manufacturier développerait la demande de travail. Cette demande élèverait naturellement le prix de la main-d’œuvre ; mais si la masse annuelle des subsistances du pays ne croissait pas, cette hausse deviendrait bientôt purement nominale, puisque le prix des subsistances s’élèverait avec elle. Malthus.