Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/256

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la campagne sont mieux traités, pour la considération et les salaires, que la plupart des artisans et ouvriers de manufactures. Il en serait probablement de même partout, si les lois et l’esprit de corporation n’y mettaient obstacle.

Ce n’est pas seulement aux corporations et à leurs règlements qu’il faut attribuer la supériorité que l’industrie des villes a usurpée dans toute l’Europe sur celle des campagnes, il y a encore d’autres règlements qui la maintiennent ; les droits élevés dont sont chargés tous les produits de manufacture étrangère et toutes les marchandises importées par des marchands étrangers, tendent tous au même but[1]. Les lois de corporation mettent les habitants des villes à même de hausser leurs prix, sans crainte d’être supplantés par la libre concurrence de leurs concitoyens ; les autres règlements les garantissent de celle des étrangers. Le renchérissement de prix qu’occasionnent ces deux espèces de règlements est partout supporté, en définitive, par les propriétaires, les fermiers et les ouvriers de la campagne, qui se sont rarement opposés à l’établissement de ces monopoles. Ordinairement, ils n’ont ni le désir ni les moyens de se concerter entre eux pour de pareilles mesures[2] ; les marchands, par leurs clameurs et leurs raisonnements captieux, viennent aisément à bout de leur faire prendre pour l’intérêt général ce qui n’est que l’intérêt privé d’une partie, et encore d’une partie subordonnée de la société[3].

Il paraît qu’anciennement, dans la Grande-Bretagne, l’industrie des villes avait sur celle des campagnes plus de supériorité qu’à présent ; aujourd’hui, les salaires du travail de la campagne se rapprochent davantage de ceux du travail des manufactures, et les profits des capitaux employés à la culture, de ceux des capitaux employés au commerce et aux manufactures, plus qu’ils ne s’en rapprochaient, à ce qu’il semble, dans

  1. Voyez le liv. IV, et surtout les chap ii, iii et viii.
  2. Si Adam Smith avait été témoin de ce qui s’est passé depuis 1791, relativement aux lois céréales, il aurait assurément modifié cette opinion. Mac Culloch.
  3. Voyez ci-après chap. xi, sur la fin.