Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/27

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admirable. On soupçonnait à peine, avant lui, les lois qui président au développement social des peuples ; on n’avait qu’une connaissance imparfaite et empirique des éléments de leur prospérité. La richesse s’ignorait elle-même, comme la pauvreté. Les bons gouvernements agissaient au hasard, guidés seulement par l’honnêteté de leurs intentions, qui ne les empêchait pas toujours de faire fausse route. La science des finances et celle du commerce, les procédés économiques de l’industrie, les bases fondamentales du développement agricole, n’étaient qu’ébauches avant lui. Adam Smith a expliqué le premier comment la vie circulait dans ces grands corps, qu’on appelle des nations ; il a exposé les causes de leur élévation et de leur décadence avec une supériorité inconnue aux plus habiles historiens.

Sa véritable renommée repose tout entière sur le traité d’économie politique qu’il a modestement intitulé Recherches sur la nature et les causes de la Richesse des Nations. Il est très-probable, malgré le soin extrême qu’il mit à la rédaction de cet ouvrage, qu’Adam Smith n’en soupçonna jamais toute la portée. Il affectionnait de préférence ses œuvres philosophiques, et il était loin de prévoir qu’un jour ses travaux économiques deviendraient le point de départ d’une ère nouvelle dans le gouvernement des sociétés. Comme il avait publié avant sa mort cinq éditions de sa Théorie des sentiments moraux[1], et seulement quatre éditions des Recherches, il dut croire que ses contemporains faisaient plus de cas de sa philosophie que de son économie politique. Et pourtant, quelle différence dans la destinée de ces deux livres ! Personne ne songe plus à l’un, et la politique de l’avenir repose sur l’autre. La seule réhabilitation du travail suffirait à la gloire de Smith ; mais il en a signalé les avantages et analysé les procédés avec une telle supériorité de

  1. Voyez, pour de plus amples détails, le Précis sur la vie et les écrits d’Adam Smith, par M. Dugald Stewart, traduction de Prévost de Genève. Cette édition comprend les Essais philosophiques, dont M. Cousin a fait l’exposition et la critique dans ses leçons à la Faculté des lettres de Paris. M. Mac Culloch a publié une notice biographique sur Adam Smith, en tête de l’édition qu’il a donnée de ses Recherches.