Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/325

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Maur, et avec celle que j’ai tâché de démontrer. L’évêque Fleetwood et M. Dupré de Saint-Maur sont les deux auteurs qui semblent avoir recueilli, avec le plus de soin et de fidélité, les prix des choses dans les temps anciens. Il est assez remarquable que, malgré la grande différence de leurs opinions, les faits recueillis par chacun d’eux se trouvent coïncider avec tant d’exactitude, au moins pour ce qui regarde les prix du blé.

Cependant c’est moins du bas prix du blé que de celui de quelques autres parties du produit brut de la terre, que les écrivains les plus judicieux ont inféré la grande valeur qu’ils attribuent à l’argent dans ces anciens temps. Le blé, ont-ils dit, étant une espèce de produit de main-d’œuvre, a été, dans ces temps grossiers, beaucoup plus cher, en proportion, que la plupart des autres marchandises ; je présume qu’ils ont voulu dire la plupart des autres marchandises qui n’étaient pas produit de main-d’œuvre, telles que le bétail, la volaille, le gibier de toute espèce, etc. En effet, que dans ces temps de pauvreté et de barbarie ces sortes de choses fussent en proportion à beaucoup meilleur marché que le blé, c’est une vérité indubitable ; mais ce bon marché n’était pas l’effet de la haute valeur de l’argent, mais bien du peu de valeur de ces denrées. Ce n’était pas que dans ce temps-là l’argent fût en état d’acheter ou de représenter une plus grande quantité de travail, mais c’est que ces sortes de denrées n’en pouvaient acheter ou représenter qu’une quantité beaucoup plus petite que dans les temps où la richesse et l’industrie eurent fait plus de progrès. L’argent doit certainement être à meilleur marché dans l’Amérique espagnole que dans l’Europe ; dans le pays qui le produit, que dans celui où on l’apporte chargé de la dépense d’un long transport tant par terre que par mer, de celle du chargement et de l’assurance. Cependant, il n’y a pas beaucoup d’années qu’à Buenos-Ayres, à ce que nous dit Ulloa, 21 deniers et demi sterling étaient le prix d’un bœuf choisi dans un troupeau de trois ou quatre cents têtes. M. Byron nous rapporte que, dans la capitale du Chili, le prix d’un bon cheval est de 16 schellings sterling. Dans un pays naturellement fertile, mais dont la plus grande partie est tout à fait inculte, le bétail, la volaille, le gibier de toute espèce peuvent s’acquérir au moyen d’une très-petite quantité de travail ; il en résulte qu’ils ne peuvent en acheter ou en commander qu’une très-petite quantité. Le très-bas prix auquel ils y sont vendus en argent n’est pas une preuve que la valeur de l’argent y soit très-haute, mais c’est une preuve que la valeur de ces marchandises y est fort basse.