Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/368

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quantité des métaux précieux dans un pays, quand elle avait sa source dans l’augmentation de richesse, ne tendait nullement à diminuer leur valeur. L’or et l’argent vont se rendre naturellement dans un pays ri-

    bourgeois aisé, par un médecin, par un avocat, par un commis, et ainsi en descendant jusqu’au simple artisan des villes et au petit fermier des campagnes, avec ce qu’était cette consommation il y a cent ou cent cinquante ans, chez des hommes de condition absolument semblable, nous trouverons que la somme a tout au moins triplé ou quadruplé ; et comme c’est en argent que nous évaluons toutes choses, cette somme de consommations annuelles sera représentée aujourd’hui par une quantité d’argent trois ou quatre fois plus forte. Ce fait frappe tous les esprits, d’autant plus que les effets de ce progrès étant assez sensibles dans un espace de quarante ou cinquante ans, il est beaucoup de vieillards auxquels il suffit de se rappeler les faits de leur jeunesse pour se convaincre de la vérité de cette observation.

    Nous ne remonterons pas, pour le prouver, jusqu’à cette époque où un premier président du parlement de Paris stipulait, dans un bail avec son fermier, que celui-ci amènerait à la ville, à certains jours de l’année, une charrette bien garnie de paille fraîche pour voiturer madame la présidente et ses filles ; nous nous arrêterons à ce siècle à jamais célèbre par les chefs-d’œuvre qu’il a produits dans tous les genres de littérature et de beaux-arts, par la politesse et le bon goût dont il nous a laissé tant de modèles, et enfin par la grandeur et la magnificence qui se déployèrent à la cour du prince.

    Le comte d’Aubigné, frère de Mme de Maintenon, pouvait passer déjà, en 1678, pour un assez grand seigneur. Il fut depuis décoré du cordon bleu, et maria sa fille au fils aîné du maréchal de Noailles, avec une dot de 1500 mille francs de notre monnaie, tant en argent comptant qu’en pierreries. Sa maison, à l’époque où fut écrite la lettre que nous allons citer, sans être très-nombreuse, était composée de dix domestiques, et il y entretenait deux carrosses. Entrons maintenant dans l’intérieur du ménage, et voyons en quoi devait consister la dépense ordinaire, telle que la règle Mme de Maintenon, d’après l’expérience qu’elle en a et ce qu’elle en a appris dans le monde, enfin suivant ce qu’elle ferait pour elle-même, si elle ne vivait pas à la cour. Quinze livres de viande de boucherie suffisent par jour à la table des maîtres et à la nourriture des dix domestiques. C’est sur ces quinze livres de viande bouillie qu’on prend une entrée qui sera, dit-elle, tantôt de fraise de veau, tantôt de langues de mouton, etc. Le rôti sera épargné lorsque monsieur dînera en ville ou lorsque madame ne soupera pas. Une bouteille de vin par jour est plus qu’il ne faut pour la table des maîtres. On ne doit consommer qu’une livre de sucre en quatre jours pour une compote qui formera tout le dessert avec la pyramide éternelle de poires et de pommes dont on renouvelle les feuilles. Il n’y a que