Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/574

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l’Europe. Ils pouvaient être légalement évincés de leur bail, avant l’expiration du terme, par un nouvel acquéreur, et en Angleterre même, par ce genre d’action simulée qu’on nomme action de commun recouvrement[1]. S’ils étaient expulsés illégalement et violemment par leur maître, ils n’avaient, pour la réparation de cette injure, qu’une action très-imparfaite. Elle ne leur faisait pas toujours obtenir d’être réintégrés dans la possession de la terre, mais on leur accordait seulement des dommages-intérêts, qui ne s’élevaient jamais au niveau de leur perte réelle. En Angleterre même, le pays peut-être de l’Europe où l’on a toujours eu le plus d’égards pour la classe des paysans[2], ce ne fut qu’environ dans la quatorzième année du règne de Henri VII qu’on imagina l’action d’expulsion, par laquelle le tenancier obtient non-seulement des dommages, mais recouvre même la possession, et au moyen de laquelle il n’est pas nécessairement déchu de son droit par la décision incertaine d’une seule assise[3]. Ce genre d’action a même été regardé comme tellement efficace, que, dans la pratique moderne, quand le propriétaire est obligé d’intenter action pour la possession de sa terre, il est rare qu’il fasse usage des actions qui lui appartiennent proprement comme propriétaire, telles que le writ[4] de droit ou le writ

  1. Action of common recovery, espèce d’action ou de procédure fictive ou concertée pour se faire adjuger par jugement un bien-fonds, et le posséder ainsi libre et purgé de substitutions, reversions et autres droits réels dont il était grevé. C’est ainsi qu’en France, pour purger les hypothèques, on avait imaginé une procédure simulée, qu’on nommait décret volontaire.
  2. Ce mot de paysans, qu’il a fallu employer faute d’autre, désigne ici principalement cette classe qu’on nomme en anglais yeomen, et qui a rang immédiatement après celle de gentlemen, et avant celle des gens de métier ou artisans, tradesmen. Cette classe des yeomen comprend les laboureurs, fermiers, nourrisseurs, etc., et autres ouvriers de la campagne, qui, travaillant manuellement, sont, par cette raison, hors de la classe des gentlemen, mais qui, possédant en pleine propriété, ou au moins à vie, un bien-fonds de 40 schellings de rente au moins, ont droit de concourir à l’élection des représentants de leur comté, d’être nommés jurés, etc.
  3. On entend par ce mot l’ensemble des séances employées, par les juges d’assise et les jurés, à l’examen, instruction et décision d’un procès.
  4. En Angleterre, les actions ne s’intentent qu’en vertu de lettres ou commissions, et chaque action a sa formule particulière. C’est ce qu’on nomme writ, et ce qui ressemble en quelque sorte à nos lettres ou commissions de chancelleries.