Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/103

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en mouvement, il y a espoir d’en attirer à soi quelque portion. Cette maxime, qui sert de guide au bon sens d’un, de dix, de vingt individus, devrait aussi diriger le jugement d’un, de dix ou de vingt millions d’hommes ; elle devrait également apprendre à toute une nation à voir dans la richesse de ses voisins une occasion et des moyens probables de s’enrichir elle-même. Une nation qui voudrait acquérir de l’opulence par le commerce étranger, a certainement bien plus beau jeu pour y réussir, si ses voisins sont tous des peuples riches, industrieux et commerçants. Une grande nation, entourée de toutes parts de sauvages vagabonds et de peuples encore dans la barbarie et la pauvreté, pourrait, sans contredit, acquérir de grandes richesses par la culture de ses terres et par son commerce intérieur, mais certainement pas par le commerce étranger. Aussi est-ce, à ce qu’il semble, par la culture et par le commerce intérieur que les anciens Égyptiens et les Chinois ont acquis leurs immenses richesses. On dit que les anciens Égyptiens ne faisaient nul cas du commerce étranger ; et quant aux Chinois, on sait avec quel mépris ils le traitent, et qu’à peine daignent-ils lui accorder cette simple protection que les lois ne peuvent refuser nulle part[1]. Les maximes modernes sur le commerce étranger tendent toutes a l’avilissement et à l’anéantissement même de ce commerce, en tant du moins qu’il leur serait possible d’arriver au but qu’elles se proposent, qui est d’appauvrir tous les peuples voisins.

C’est d’après ces maximes que le commerce entre la France et l’Angleterre a été assujetti, dans l’un et l’autre de ces royaumes, à tant d’entraves et de découragements de toute espèce. Cependant, si les deux nations voulaient ne consulter que leurs véritables intérêts, sans écouter la jalousie mercantile et sans se laisser aveugler par

  1. Mac Culloch prétend, nous ne savons trop sur quels documents, que les anciens Égyptiens n’avaient pas de répugnance pour le commerce étranger et la navigation. Il dit la même chose des Chinois actuels. « Ce sont, dit-il, les compagnies privilégiées qui ont un intérêt à nous représenter le commerce avec la Chine comme très-difficile ; mais depuis que ce commerce est librement ouvert à toutes les nations, l’expérience a prouvé que les Chinois n’ont de répugnance ni pour les étrangers, ni pour le commerce, et que, bien que leur gouvernement soit corrompu et ignorant, leurs habitudes et règlements très-différents des nôtres, il n’en est pas moins possible de traiter les affaires à Canton avec autant de facilité, de sécurité, de promptitude, qu’à Londres ou à New-York. » Il faut avoir un optimisme bien robuste, pour trouver que tout est bien, même en Chine. A. B.