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Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/104

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l’animosité nationale, le commerce de France pourrait être plus avantageux pour la Grande-Bretagne que celui de tout autre pays, et par la même raison celui de la Grande-Bretagne pour la France. La France est le pays le plus voisin de la Grande-Bretagne. Le commerce entre les côtes méridionales de l’Angleterre et les côtes du nord et nord-ouest de la France pourrait promettre des retours qui, comme dans le commerce intérieur, seraient répétés quatre, cinq ou six fois dans l’espace d’une année. Ainsi, le capital employé dans ce commerce pourrait, dans chacun de ces deux royaumes, entretenir en activité quatre, cinq ou six fois autant d’industries, et fournir de l’occupation et des moyens de subsistance à quatre, cinq ou six fois autant de personnes que le pourrait faire un pareil capital dans la plupart des autres branches du commerce étranger. Entre les parties de la France et de la Grande-Bretagne qui sont les plus éloignées l’une de l’autre, on pourrait s’attendre à des retours au moins répétés une fois par an, et ce commerce même offrirait déjà par là tout au moins autant d’avan­tage que la plupart des autres branches de notre commerce étranger de l’Europe. Il serait au moins trois fois plus avantageux que notre commerce tant vanté avec nos colonies d’Amérique, dans lequel les retours se font rarement en moins de trois ans, et très-souvent pas en moins de quatre ou cinq. En outre, la France est réputée contenir vingt-quatre millions d’habitants. On n’en a jamais compté dans nos colonies de l’Amérique septentrionale plus de trois millions ; et la France est un pays beaucoup plus riche que l’Amérique septentrionale, quoique, à raison de la plus grande inégalité dans la distribution des richesses, le premier de ces pays présente plus de misère et de pauvreté que l’autre. Ainsi, la France pourrait nous ouvrir un marché au moins huit fois plus étendu, et à cause de la supériorité dans la fréquence des retours, vingt-quatre fois plus avantageux que celui que nous ont jamais fourni nos colonies de l’Amérique septentrionale[1]. Le commerce de la Grande-Bretagne serait tout aussi avantageux pour la France, et, en proportion de la richesse, de la population et de la proximité respective des deux pays, il aurait la même supériorité sur celui que fait la France avec ses colonies. Telle est pourtant l’énorme différence qui se trouve entre le commerce que la sagesse de ces deux nations a jugé à propos de décourager, et celui qu’elle a le plus favorisé.

  1. Que dirait Adam Smith aujourd’hui ?