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Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/149

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une autre presque aussi grande, il n’est peut-être pas aisé de se faire une idée de l’importance, de l’étendue et de la rapidité des améliorations que ce seul changement de situation produirait sur toute la surface du pays.

Ainsi, le statut d’Édouard VI, en empêchant, autant qu’il lui a été possible, qu’aucun tiers ne vînt à s’entremettre entre le producteur et le consommateur, a tâché d’anéantir une profession dont le libre exercice est non-seulement le meilleur palliatif des inconvénients d’une disette, mais encore le plus sûr préservatif contre cette calamité ; aucune profession ne contribuant plus à la production du blé, après la profession de fermier, que celle de marchand de blé.

La rigueur de cette loi fut ensuite mitigée par plusieurs statuts subséquents, qui permirent successivement d’emmagasiner le blé lorsque le prix du froment n’excéderait pas 20, 24, 32 et 40 sch. le quarter. Enfin, par le statut de la quinzième année de Charles II, chap. vii, il fut déclaré que toutes personnes n’étant point intercepteurs, c’est-à-dire n’achetant pas pour revendre au même marché dans les trois mois, pourraient librement emmagasiner ou acheter du blé pour le revendre, tant que le prix du froment n’excéderait pas 48 schellings le quarter, et celui des autres grains à proportion. Toute la liberté dont ait jamais joui le commerce de marchand de blé dans l’intérieur du royaume dérive de cet acte. Le statut de la douzième année du roi actuel, qui révoque presque toutes les autres anciennes lois contre les accapareurs et intercepteurs, ne révoque point les restrictions portées par cet acte particulier, qui, par conséquent, restent toujours en vigueur[1].

  1. Ceci est une erreur. Le statut de 1772 (12 Geo. III, ch. lxxi) abroge les restrictions et pénalités imposées par les statuts plus anciens contre l’achat et la vente du blé et des autres produits naturels. Le préambule de l’acte reconnaît en ces termes les funestes effets de ces restrictions : « Comme il a été prouvé par l’expérience que les restrictions mises au commerce du blé, de la farine, de la viande, du bétail et autres sortes d’aliments, en s’opposant au libre commerce de ces denrées, ont pour effet d’en décourager la production et d’en hausser le prix ; lesquels statuts, s’ils étaient mis en vigueur, causeraient de grands maux aux habitants de la plus grande partie du royaume, et particulièrement aux habitants des cités de Londres et de Westminster, il est dorénavant résolu que, etc… »

    Mais par malheur ce statut ne déclarait pas que personne ne pourrait plus être poursuivi devant les tribunaux pour les délits imaginaires d’accapareur, de regrattier, etc. Les auteurs de l’acte croyaient sans doute que le progrès des connaissances et l’esprit du siècle seraient une sécurité suffisante pour la liberté du commerce. Ils se trompaient. En 1795 et 1800, le prix du blé s’éleva à un taux excessif ; et malgré les raisonnements concluants du docteur Smith et d’autres écrivains compétents, malgré la déclaration si explicite du préambule de l’acte cité plus haut, les clameurs contre les marchands de blé furent aussi fortes qu’elles auraient pu l’être dans le siècle des Édouard et des Henri. Les autorités municipales de Londres dénoncèrent les spéculations des marchands de blé… L’un d’eux, nommé Rutley, fat accusé, en 1800, du délit de regrattier, c’est-à-dire pour avoir vendu sur le même marché, le même jour qu’il les avait achetés, trente quarters d’avoine, à la surenchère de deux schellings le quarter Mac Culloch.