Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/180

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flotte de quatre vaisseaux, et après une navigation de onze mois, il toucha la côte de l’Indostan et conduisit ainsi à son terme un cours de découvertes suivi avec une grande constance et presque sans interruption pendant près d’un siècle.

Quelques années avant cet événement, tandis que l’Europe en suspens attendait l’issue des entreprises des Portugais, dont le succès paraissait encore être douteux, un pilote génois formait le dessein encore plus hardi de faire voile aux Indes orientales par l’ouest. La situation de ces pays était très-imparfaitement connue en Europe. Le peu de voyageurs européens qui les avaient vus en avaient exagéré la distance, peut-être parce qu’à des yeux simples et ignorants, ce qui était réellement très-grand, et qu’ils ne pouvaient mesurer, paraissait presque infini, ou peut-être parce qu’en représentant à une distance aussi immense de l’Europe les régions par eux visitées, ils croyaient augmenter le merveilleux de leurs aventures. Colomb conclut avec justesse que, plus la route était longue par l’est, moins elle devait l’être par l’ouest. Il proposa donc de prendre cette route, comme étant à la fois la plus courte et la plus sûre, et il eut le bonheur de convaincre Isabelle de Castille de la possibilité du succès. Il partit du port de Palos en août 1492, près de cinq ans avant que la flotte de Vasco de Gama sortît du Portugal ; et, après un voyage de deux ou trois mois, il découvrit d’abord quelques-unes des petites îles Lucayes ou de Bahama, et ensuite la grande île de Saint-Domingue.

Mais les pays découverts par Colomb dans ce voyage ou dans ses voyages postérieurs n’avaient aucune ressemblance avec ceux qu’il avait été chercher. Au lieu de la richesse, de la culture et de la population de la Chine et de l’Indostan, il ne trouva, à Saint-Domingue et dans toutes les autres parties du Nouveau-Monde qu’il put voir, qu’un pays couvert de bois, inculte et habité seulement par quelques tribus de sauvages nus et misérables. Cependant, il ne pouvait aisément se décider à croire que ces pays ne fussent pas les mêmes que ceux décrits par Marco-Polo, le premier Européen qui eût vu les Indes orientales, ou du moins le premier qui en eût laissé quelque description ; et souvent, pour le ramener à l’idée favorite dont il était préoccupé, quoiqu’elle fût démentie par la plus claire évidence, il suffisait de la plus légère similitude, comme celle qui se trouve encore le nom de Cibao, montagne de Saint-Domingue, et le Cipango, mentionné par Marco-Polo. Dans ses lettres à Ferdinand et Isabelle, il donnait le nom de