Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/186

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lui de découvrir un passage au nord, pour aller aux Indes orientales. Jusqu’à ce moment, ils n’ont pas été plus heureux dans l’un que dans l’autre.



Section seconde.
Causes de la prospérité des colonies nouvelles.


Une colonie d’hommes civilisés, qui prend possession ou d’un pays désert, ou d’un pays si faiblement peuplé, que les naturels font aisément place aux nouveaux colons, avance plus rapidement qu’aucune autre société humaine vers un état de grandeur et d’opulence.

Ceux qui forment la colonie emportent avec eux des connaissances en agriculture et dans les autres arts utiles, fort supérieures à ce que des peuples sauvages et barbares pourraient en acquérir par eux-mêmes dans le cours de plusieurs siècles. Ils emportent aussi avec eux l’habitude de la subordination, quelque notion du gouvernement établi dans leur pays, du système de lois qui lui sert de base, et d’une administration fixe et uniforme de la justice. Naturellement donc, ils instituent quelque chose du même genre dans leur nouvel établissement, tandis qu’au contraire, parmi les nations sauvages ou barbares, les progrès naturels du gouvernement et des lois sont encore plus lents que les progrès naturels que font les arts quand une fois ils peuvent fleurir, et quand le gouvernement et les lois sont établis au point de leur assurer une protection suffisante. Chaque colon a plus de terre qu’il ne lui est possible d’en cultiver. Il n’a ni fermages à acquitter, ni presque point d’impôts à payer. Il n’y a pas de propriétaire qui vienne partager le produit de son travail, et la part qu’y prend le souverain n’est ordinairement qu’une bagatelle. Il a tous les motifs possibles d’augmenter, autant qu’il le peut, un produit qui lui appartiendra presque tout entier ; mais la terre qu’il possède est pour l’ordinaire d’une telle étendue, qu’avec toute son industrie et celle des autres bras qu’il peut se procurer, à peine viendra-t-il à bout de lui faire produire le dixième de ce qu’elle est capable de rendre. Il s’applique donc à rassembler de tous les côtés des ouvriers, et à se les assurer par les salaires les plus forts ; mais ces salaires élevés, joints à l’abondance des terres et à leur bon marché, mettent bientôt ces ouvriers en état de le quitter, pour devenir eux-mêmes propriétaires, et salarier aussi, avec la même libéralité, d’autres ouvriers qui bientôt à leur tour quitteront leurs maîtres pour la même cause, La récompense libérale du travail est un encouragement au mariage. Les enfants sont bien nourris et soignés convena-