Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/198

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son état naturel. De tous les expédients dont on puisse s’aviser pour comprimer les progrès de la croissance naturelle d’une nouvelle colonie, le plus efficace, sans aucun doute, c’est celui d’une compagnie exclusive. C’est cependant là la politique qu’a adoptée la Hollande, quoique dans le cours de ce siècle sa compagnie ait abandonné, à beaucoup d’égards, l’exercice de son privilège exclusif. Ce fut aussi la politique du Danemark jusqu’au règne du feu roi. Accidentellement aussi, ce fut celle de la France, et récemment, depuis 1755, après que cette politique eut été abandonnée par toutes les autres nations, à cause de son absurdité, elle a été adoptée par le Portugal, au moins à l’égard de deux des principales provinces du Brésil, celles de Fernambouc et de Maragnan.

D’autres nations, sans ériger de compagnie exclusive, ont restreint tout le commerce de leurs colonies à un seul port de la mère patrie, duquel il n’était permis à aucun vaisseau de mettre à la voile, sinon à une époque déterminée, et de conserve avec plusieurs autres, ou bien, s’il partait seul, qu’en vertu seulement d’une permission spéciale, pour laquelle le plus souvent il fallait payer fort cher. Cette mesure politique ouvrait, à la vérité, le commerce des colonies à tous les natifs de la mère patrie, pourvu qu’ils s’astreignissent à commercer du port indiqué, à l’époque permise et dans les vaisseaux permis. Mais, comme tous les différents marchands qui associèrent leurs capitaux pour expédier ces vaisseaux privilégiés durent trouver leur intérêt à agir de concert, le commerce qui se fit de cette manière fut nécessairement conduit sur les mêmes principes que celui d’une compagnie exclusive ; le profit de ces marchands fut presque aussi exorbitant et fondé sur une oppression à peu près pareille ; les colonies furent mal pourvues, et se virent obligées à la fois de vendre à très-bon marché et d’acheter fort cher. Cette politique avait pourtant toujours été suivie par l’Espagne, et elle l’était encore il y a peu d’années ; aussi dit-on que toutes les marchandises d’Europe étaient à un prix énorme aux Indes occidentales espagnoles. Ulloa rapporte qu’à Quito une livre de fer se vendait environ de 4 à 6 deniers sterling, et une livre d’acier environ de 6 à 9 : or, c’est principalement pour se procurer les marchandises d’Europe que les colonies se défont de leur produit surabondant. Par conséquent, plus elles payent pour les premières, moins elles retirent réellement pour le denier, et la cherté des unes est absolument la même chose, pour elles, que le bas prix de l’autre. Le système qu’a suivi le Portugal à l’égard de toutes ses colonies, excepté celles de Fernambouc et de Maragnan,