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par ces assemblées respectives, devant lesquelles ces officiers étaient immédiatement responsables. Il y a donc plus d’égalité parmi les colons anglais que parmi les habitants de la mère patrie. Leurs mœurs sont plus républicaines, et leurs gouvernements, particulièrement ceux de trois des provinces de la Nouvelle-Angleterre[1], ont aussi jusqu’à présent été plus républicains.

Au contraire, la forme absolue du gouvernement qui domine en Espagne, en Portugal et en France, s’étend à leurs colonies, et les pouvoirs arbitraires que ces sortes de gouvernements délèguent, en général, à tous les agents subalternes, s’exercent naturellement avec plus de violence dans des pays qui se trouvent placés à une aussi grande distance. Dans tous les gouvernements absolus, il y a plus de liberté dans la capitale que dans tout autre endroit de l’empire. Le souverain, personnellement, ne peut jamais avoir d’intérêt ou de penchant à intervertir l’ordre de la justice ou à opprimer la masse du peuple. Dans la capitale, sa présence tient plus ou moins en respect tous ses officiers subalternes, qui, dans des provinces plus éloignées de lui, où les plaintes du peuple sont moins à portée de frapper ses oreilles, peuvent se livrer avec beaucoup plus d’assurance aux excès de leur esprit tyrannique. Or, les colonies européennes de l’Amérique sont à une distance bien plus grande de leur capitale, que les provinces les plus reculées des plus vastes empires qui aient jamais été connus au monde jusqu’à présent. Le gouvernement des colonies anglaises est peut-être le seul, depuis l’origine des siècles, qui ait donné à des provinces aussi éloignées une sécurité parfaite. Toutefois, l’administration des colonies françaises a été conduite avec plus de modération et de douceur que celle des colonies espagnoles et portugaises. Cette supériorité dans la conduite de l’administration est conforme, à la fois, au caractère de la nation française et à ce qui forme le caractère d’une nation, c’est-à-dire à son gouvernement. Or, le gouvernement de France, bien qu’en comparaison de celui de la Grande-Bretagne il puisse passer pour violent et arbitraire, est néanmoins un gouvernement légal et libre, si on le compare à ceux d’Espagne et de Portugal.

  1. Les quatre gouvernements qui composaient la Nouvelle-Angleterre avant la révolution d’Angleterre étaient Massachusets, Connecticut, New-Hampshire et Rhode-Island. Le premier avait eu, en 1684, sa charte révoquée et tous ses priviléges supprimés par Charles II.