Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/26

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dents dissipateurs ; elles sont quelquefois générales dans toute une ville de commerce et dans les pays environnants. La cause ordinaire en est dans la fureur qu’on a souvent d’entreprendre plus qu’on ne peut accomplir. Les gens les plus économes qui auront fait des spéculations disproportionnées à leurs capitaux, peuvent se trouver dans le cas de n’avoir ni de quoi acheter de l’argent, ni crédit pour en emprunter, tout aussi bien que des prodigues qui auront fait des dépenses disproportionnées à leurs revenus. Avant que leurs spéculations soient dans le cas de leur rapporter ce qu’ils y ont mis, tout leur capital a disparu avec leur crédit. Ils courent de tous les côtés pour emprunter de l’argent, et ils n’en peuvent trouver nulle part. Ces plaintes même générales sur la rareté de l’argent ne prouvent pas toujours qu’il ne circule pas dans le pays le nombre habituel de pièces d’or et d’argent, mais seulement que beaucoup de gens manquent de ces pièces, faute d’avoir rien à donner pour en acheter. Quand les profits du commerce viennent à être plus forts qu’à l’ordinaire, l’envie d’entreprendre au-delà de ses forces est une maladie qui gagne les gros commerçants comme les petits. Ce n’est pas qu’ils envoient toujours hors du pays une plus grande quantité d’argent qu’à l’ordinaire, mais ils font, tant au-dedans qu’au-dehors du pays, des achats à crédit pour plus de marchandises que de coutume, et envoient ces marchandises à des marchés éloignés, dans l’espoir que les retours leur rentreront avant les demandes de payement. Les demandes viennent avant que les retours soient arrivés, et ils n’ont rien sous la main qui puisse leur servir, ou à acheter de l’argent, ou à offrir comme sûreté pour en emprunter. Ce n’est pas la rareté de l’or ou de l’argent, mais c’est la difficulté que ces gens-là trouvent à emprunter, et celle que leurs créanciers trouvent à se faire payer, qui font dire à tout le monde que l’argent est rare[1].

Il serait vraiment trop ridicule de s’attacher sérieusement à prouver que la richesse ne consiste pas dans l’argent ou dans la quantité des métaux précieux, mais bien dans les choses qu’achète l’argent et dont il emprunte toute sa valeur, par la faculté qu’il a de les acheter. L’argent, sans contredit, fait toujours partie du capital national ; mais on a déjà fait voir qu’en général il n’en fait qu’une petite partie,

  1. La circulation du papier est une des principales causes des excès du commerce, parce qu’elle permet aux marchands de disposer par l’emprunt d’un capital presque sans limites. Buchanan.