Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/27

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et toujours la partie de ce capital qui profite le moins à la société[1].

Si le marchand trouve, en général, plus de facilité à acheter des marchandises avec de l’argent, qu’à acheter de l’argent avec des marchandises, ce n’est pas que la richesse consiste plus essentiellement dans l’argent que dans les marchandises ; c’est parce que l’argent est l’instrument reçu et établi dans le commerce, celui pour lequel toutes choses se donnent sur-le-champ en échange, mais qu’on ne peut pas toujours avoir aussi promptement en échange pour toute autre chose. D’ailleurs, la plupart des marchandises sont plus périssables que l’argent, et leur conservation peut souvent causer au marchand une plus grande perte. De plus, quand il a ses marchandises dans sa boutique, il est plus exposé à ce qu’il survienne des demandes d’argent auxquelles il ne pourra pas faire honneur, que quand il a dans sa caisse le prix de ses marchandises. Ajoutez encore à tout cela que son profit se fait plus immédiatement au moment où il vend qu’au moment où il achète, et sous tous ces rapports il est beaucoup plus empressé, en général, de changer ses marchandises pour de l’argent, que son argent pour des marchandises. Mais quoiqu’un marchand, en particulier, puisse quelquefois, avec une certaine abondance de marchandises en magasin, se trouver ruiné faute de pouvoir s’en défaire à temps, une nation ou un pays ne peut pas avoir un semblable accident à redouter. Souvent tout le capital d’un marchand consiste en marchandises périssables, destinées à faire de l’argent. Mais il n’y a qu’une bien petite partie du produit annuel des terres et du travail, dans un pays, qui puisse jamais être destinée à acheter de l’or et de l’argent des pays voisins. La très-grande partie est destinée à circuler et à se consommer dans le pays même, et encore, du superflu qui s’envoie au-dehors, la plus grande partie, en général, est destinée à acheter à l’étranger d’autres marchandises consommables. Ainsi, quand même on ne pourrait se procurer de l’or et de l’argent avec les marchandises qui sont destinées à en acheter, la nation ne serait pas ruinée pour ce motif[2]. Elle pourrait bien en souffrir quelque dommage et quelques incommodités, et se voir réduite à quelques-unes de ses ressources indispensables pour suppléer au défaut d’argent ; néanmoins, le produit

  1. Liv. II, chap. ii.
  2. Mais toujours la nation ne dût pas être ruinée, un manque d’espèces temporaire frapperait toujours le commerce d’un coup assez rude pour entraîner des désastres sérieux et irréparables. Buchanan.