Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/272

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cheter l’autre un peu plus cher qu’il n’aurait fait sans cela, et ses profits s’en trouvent probablement affaiblis de quelque chose. Néanmoins, dans ce commerce entre Hambourg et Londres, il reçoit certainement des retours de son capital beaucoup plus promptement qu’il n’aurait jamais pu les recevoir dans le commerce direct avec l’Amérique, quand même on supposerait, ce qui n’est certainement pas, que les payements d’Amérique se fissent aussi ponctuellement que ceux de Londres. Par conséquent, dans le genre de commerce auquel le marchand de Hambourg se trouve restreint par ces règlements, son capital peut tenir constamment en activité une beaucoup plus grande quantité d’industrie en Allemagne, qu’il ne l’aurait sans doute pu faire dans le genre de commerce dont ce marchand se trouve exclu. Ainsi, quoique le premier de ces genres d’emploi soit peut-être pour lui moins lucratif que n’eût été ]’autre, il ne peut pas être moins avantageux pour son pays. Il en est tout autrement à l’égard de l’emploi dans lequel le monopole entraîne naturellement, pour ainsi dire, le capital du marchand de Londres. Il se peut bien que cet emploi soit plus lucratif pour lui que la plupart des autres sortes d’emploi ; mais, par rapport à la lenteur des retours, cet emploi ne saurait être plus avantageux que les autres à son pays.

Ainsi, en dépit de tous les injustes efforts de chaque nation de l’Europe pour se réserver à elle seule la totalité des avantages du commerce de ses colonies, aucune encore n’a pu réussir à se réserver exclusivement autre chose que la charge de maintenir en temps de paix et de défendre en temps de guerre la puissance oppressive qu’elle s’est arrogée sur elles. Pour les inconvénients résultant de la possession de ses colonies, chaque nation se les est pleinement réservés tout entiers ; quant aux avantages qui sont le fruit de leur commerce, elle a été obligée de les partager avec plusieurs autres nations.

Sans doute, au premier coup d’œil, le monopole du vaste commerce d’Amérique semble naturellement une acquisition de la plus haute valeur. À des yeux troublés par les chimères d’une folle ambition, il se présente, au milieu de la mêlée confuse des luttes opposées que se livrent la guerre et la politique, comme un objet éblouissant, digne prix de la victoire. C’est cependant le grand éclat de l’objet, l’immense étendue du commerce, qui est la qualité même pour laquelle le monopole est nuisible ; c’est elle qui est cause qu’un emploi, par sa nature moins avantageux au pays que la plupart des autres emplois, absorbe