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Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/271

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maintenant les manufacturiers des cultivateurs nombreux et florissants de l’Amérique ; elles sont devenues les voituriers et, à quelques égards aussi, les manufacturiers de presque toutes les différentes nations de l’Asie, de l’Afrique et de l’Amérique. Deux mondes nouveaux ont été ouverts à leur industrie, chacun desquels est beaucoup plus vaste et plus étendu que l’ancien, et dont un lui offre un marché qui s’agrandit encore tous les jours de plus en plus.

Les pays qui possèdent les colonies de l’Amérique et qui commercent directement avec les Indes orientales jouissent, à la vérité, de tout l’appareil et de la splendeur de ce vaste commerce. Néanmoins d’autres pays, en dépit de toutes les barrières jalouses qu’on a élevées dans le dessein de les en exclure, jouissent bien souvent d’une part plus grande dans ses avantages réels. Les colonies de l’Espagne et du Portugal, par exemple, donnent plus d’encouragement réel à l’industrie de quelques autres pays, qu’elles n’en donnent à celle de l’Espagne et du Portugal. Pour le seul article des toiles, on dit (mais je ne prétends pas garantir la quantité) que la consommation de ces colonies s’élève à plus de trois millions sterling par an. Or, cette énorme consommation est presque en entier fournie par la France, la Flandre, la Hollande et l’Allemagne. L’Espagne et le Portugal n’en fournissent qu’une très-petite partie. Le capital employé à pourvoir les colonies de cette grande quantité de toile se distribue annuellement parmi les habitants de ces contrées, et leur forme un revenu. Les profits seuls de ce capital se dépensent en Espagne et en Portugal, où ils servent à soutenir le faste et la prodigalité des marchands de Cadix et de Lisbonne.

Les mesures mêmes et les règlements par lesquels une nation tâche de s’assurer le commerce exclusif de ses colonies sont souvent plus nuisibles aux pays en faveur desquels on a voulu les établir, qu’ils ne le sont à ceux contre lesquels ils sont dirigés. Le poids de l’oppression injuste dont on veut accabler l’industrie des autres pays retombe, pour ainsi dire, sur la tête des oppresseurs, et écrase leur propre industrie plus que celle des autres pays. Par exemple, au moyen de ces règlements, il faut que le marchand de Hambourg envoie à Londres la toile qu’il destine pour le marché de l’Amérique, et il faut qu’il rapporte aussi de Londres le tabac qu’il destine pour le marché de l’Allemagne, parce qu’il n’a pas la liberté d’envoyer la toile directement en Amérique, ni d’en rapporter directement le tabac. Cette gêne l’oblige vraisemblablement à vendre la première un peu meilleur marché, et d’a-