Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/319

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ments sont contraires à cette liberté civile si vantée, et dont nous nous montrons si jaloux, liberté qu’on sacrifie ouvertement dans ce cas au misérable intérêt de nos marchands et de nos manufacturiers[1].

Le motif si louable qui a dicté tous ces règlements, c’est d’étendre le progrès de nos manufactures, non pas en les perfectionnant en elles-mêmes, mais en affaiblissant celles de tous nos voisins, et en anéantissant autant que possible la concurrence fâcheuse de rivaux si odieux et si incommodes. Nos maîtres manufacturiers trouvent qu’il est juste de leur accorder ainsi le monopole du travail et de l’industrie de tous leurs concitoyens. Si en bornant, dans certains métiers, le nombre d’apprentis qu’on peut y tenir à la fois, et en établissant dans tous la nécessité d’un long apprentissage, ils cherchent tous de leur côté à resserrer dans le plus petit nombre d’individus possible les connaissances nécessaires à leurs métiers respectifs, ils ne veulent pas pourtant que la moindre partie de ce petit nombre puisse aller au-dehors instruire les étrangers.

La consommation est l’unique but, l’unique terme de toute production, et l’on ne devrait jamais s’occuper de l’intérêt du producteur, qu’autant qu’il le faut seulement pour favoriser l’intérêt du consommateur. Cette maxime est si évidente par elle-même, qu’il y aurait de l’absurdité à vouloir la démontrer. Mais, dans le système que je combats, l’intérêt du consommateur est à peu près constamment sacrifié à celui du producteur, et ce système semble envisager la production et non la consommation, comme le seul but, comme le dernier terme de toute industrie et de tout commerce.

Dans les entraves mises à l’importation de toutes marchandises étrangères qui pourraient venir en concurrence avec celles de notre sol ou de nos manufactures, on a évidemment sacrifié l’intérêt du consommateur national à celui du producteur. C’est uniquement pour le bénéfice de ce dernier, que l’autre est obligé de payer le renchérissement qu’un tel monopole ne manque presque jamais d’occasionner dans le prix des marchandises.

C’est uniquement pour le bénéfice du producteur qu’on a accordé des primes à l’exportation de quelques-unes de nos productions. Il faut que le consommateur national paye premièrement l’impôt qui sert

  1. Les restrictions imposées à l’émigration des ouvriers ont été rapportées en 1824. Mac Culloch.