Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/327

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plus complètement possible, la totalité de la consommation des ouvriers et de celui qui les met en œuvre, ainsi que la totalité de la dépense avancée pour les employer et les faire subsister tous.

Les artisans, manufacturiers et marchands ne peuvent ajouter à la richesse et au revenu de la société que par leurs économies seulement, ou bien, suivant l’expression adoptée dans ce système, par des privations, c’est-à-dire en se privant de jouir d’une partie du fonds destiné à leur subsistance personnelle. Annuellement, ils ne reproduisent rien autre chose que ce fonds. À moins donc qu’annuellement ils n’en épargnent quelque partie, à moins qu’ils ne se privent annuellement de la jouissance de quelque portion de ce fonds, la richesse et le revenu de la société ne peuvent recevoir de leur industrie le plus petit degré d’augmentation. Les fermiers et ouvriers de la culture, au contraire, peuvent jouir complètement de tout le fonds destiné à leur subsistance personnelle, et cependant ajouter en même temps à la richesse et au revenu de la société. En outre de ce qui est destiné à leur subsistance personnelle, leur industrie rend annuellement encore un produit net dont la formation ajoute nécessairement à la richesse et au revenu de la société. Par conséquent, les nations telles que la France ou l’Angleterre, qui sont composées en grande partie de propriétaires et de cultivateurs, peuvent s’enrichir en travaillant et jouissant tout à la fois. Au contraire, les nations, telles que la Hollande, telles que Hambourg, qui sont principalement composées de marchands, de manufacturiers et d’artisans, ne peuvent devenir riches qu’à force d’économies et de privations. Comme des nations placées dans des circonstances aussi différentes se trouvent avoir un intérêt d’une nature très-différente, le caractère général du peuple doit se ressentir aussi de cette différence. Chez les nations de la première espèce, des manières libérales, franches et enjouées, le goût du plaisir et de la société, entrent naturellement dans ce caractère général. Chez les autres, on trouve de la mesquinerie, de la petitesse, des inclinations intéressées et égoïstes, et de l’éloignement pour tous les amusements et toutes les jouissances sociales.

La classe non productive, celle des marchands, artisans et manufacturiers, est entretenue et employée entièrement aux dépens des deux autres classes, celle des propriétaires et celle des cultivateurs. Celles-ci lui fournissent à la fois les matériaux de son travail et le fonds de sa subsistance, le blé et le bétail qu’elle consomme pendant qu’elle est