Aller au contenu

Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/332

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sorte de monopole sur le marché intérieur, elle élève le taux des profits du commerce et des manufactures relativement à celui des profits de l’agriculture, et par là, ou elle enlève à l’agriculture une partie du capital qui y était employé auparavant, ou elle détourne d’y aller une partie du capital qui s’y serait porté sans cela. Par conséquent, une telle politique décourage l’agriculture de deux manières à la fois : d’abord en dégradant la valeur réelle de son produit et faisant baisser par là le taux de ses profits ; ensuite, en faisant hausser le taux des profits dans tous les autres emplois. C’est rendre, d’une part, l’agriculture moins lucrative et, de l’autre, le commerce et les manufactures plus lucratifs qu’ils n’auraient été sans cela ; en sorte que tout homme se trouve tenté, par son intérêt personnel, de retirer son capital et son industrie de la première, pour en porter autant qu’il peut dans les autres.

Quand même on supposerait qu’une nation à grand territoire pût parvenir, au moyen de ces mesures oppressives, à produire chez elle des artisans, des manufacturiers et des marchands un peu plus tôt qu’elle ne l’aurait pu par la liberté du commerce, chose qui ne laisse pas cependant d’être fort douteuse, toutefois elle les produirait, si on peut parler ainsi, d’une manière précoce et avant d’être parfaitement mûre pour cela. En se pressant de faire croître d’une manière trop hâtive une espèce d’industrie, elle affaiblirait une autre espèce d’industrie plus précieuse. En se pressant trop de donner naissance à une industrie qui ne fait que remplacer le capital qui la met en activité et un profit ordinaire, elle retarderait les progrès d’une autre industrie qui, après avoir remplacé ce capital et donné le profit ordinaire, rapporte en outre un produit net, une rente franche et libre au propriétaire. En donnant un encouragement prématuré à ce genre de travail qui est absolument stérile et non productif, elle arrêterait le parfait développement des forces du travail qui est productif.

L’ingénieux et profond auteur de ce système, M. Quesnay, a représenté dans les formules arithmétiques, de quelle manière, suivant son système, la somme totale du produit annuel de la terre se distribue entre les trois classes ci-dessus, et comment le travail de la classe non productive ne fait que remplacer la valeur de sa consommation, sans ajouter la moindre chose à la valeur de cette somme totale. La première de ces formules, qu’il a distinguée par excellence sous le nom de Tableau économique, représente la manière dont il suppose que cette distribution a lieu dans l’état de la plus parfaite liberté et par conséquent