Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/355

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nage que chaque famille fait elle-même pour son usage particulier, tout homme est aussi ou guerrier, ou tout prêt à le devenir. Ceux qui vivent de la culture des terres passent, en général, tout le jour en plein air et exposés à toutes les injures du temps. La dureté de leur genre de vie habituel les dispose aux fatigues de la guerre, avec lesquelles quelques-uns de leurs travaux ont une grande analogie. Le travail journalier d’un homme qui creuse la terre le prépare à travailler à une tranchée, et il saura fortifier un camp, comme il sait enclore le champ qu’il cultive. Les passe-temps ordinaires de ces cultivateurs sont les mêmes que ceux des pasteurs, et sont pareillement des images de la guerre ; mais comme les cultivateurs n’ont pas autant de loisir que les pasteurs, ils ne sont pas aussi souvent livrés à ces exercices. Ce sont bien des soldats, mais ce ne sont pas des soldats tout à fait aussi exercés. Tels qu’ils sont cependant, il est rare qu’ils coûtent aucune dépense au souverain ou à la république, quand il s’agit de les mettre en campagne.

L’agriculture, même dans son état le plus grossier et le plus informe, suppose un établissement, une sorte d’habitation fixe qu’on ne peut quitter sans essuyer une grande perte. Aussi, quand une nation de simples agriculteurs marche à la guerre, la totalité du peuple ne peut se mettre en campagne à la fois ; au moins faut-il que les vieillards, les femmes et les enfants restent au pays pour garder la maison. Mais tous les hommes en âge de porter les armes peuvent partir pour l’armée, et c’est ainsi qu’en ont souvent usé de petites peuplades de ce genre. Dans toute nation, les hommes en âge de porter les armes sont supposés former environ le quart ou le cinquième de tout le peuple. D’ailleurs, si la campagne commence après le temps des semailles et finit avant la moisson, le laboureur et ses principaux ouvriers peuvent quitter la ferme sans beaucoup de dommage. Celui-ci partira dans la confiance que les vieillards, les femmes et les enfants pourront bien suffire aux travaux à faire dans l’intervalle. Il ne se refusera donc pas à servir sans paie pendant une courte campagne, et très-souvent il n’en coûte pas plus au souverain ou à la république pour l’entretenir à l’armée que pour le préparer à s’y rendre. C’est de cette manière, à ce qu’il semble, que servirent les citoyens de tous les différents États de l’ancienne Grèce, jusqu’après la seconde guerre de Perse, et les Péloponésiens jusqu’après la guerre du Péloponèse. Thucydide observe qu’en général ces derniers quittaient la campagne pendant l’été, et retournaient chez eux pour faire la moisson. Le peuple romain, sous ses rois et pendant les pre-