Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/356

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miers âges de la république, servit de la même manière. Ce ne fut qu’à l’époque du siège de Véïes[1] que ceux qui restaient dans le pays commencèrent à contribuer à l’entretien de ceux qui étaient allés à la guerre. Dans les monarchies de l’Europe, qui furent fondées sur les ruines de l’empire romain, tant avant l’époque de ce qui s’appelle proprement L’établissement du gouvernement féodal, que quelque temps après, les grands seigneurs, avec tous ceux qui étaient immédiatement sous leur dépendance, avaient coutume de servir la couronne à leurs propres frais. Au camp, tout comme chez eux, ils vivaient de leurs revenus personnels, et non d’aucune paie ou solde qu’ils reçussent du roi pour cet objet.

Dans un état de société plus avancé, deux différentes causes ont contribué à rendre absolument impossible, pour ceux qui prenaient les armes, de s’entretenir à leurs frais. Ces deux causes sont le progrès des manufactures et les perfectionnements qui s’introduisirent dans l’art de la guerre.

Quand même ce serait un laboureur qui serait employé dans une expédition, pourvu qu’elle commence après les semailles et qu’elle finisse avant la moisson, l’interruption de ses occupations ne lui causera pas toujours une diminution considérable de revenu. La plus grande partie de l’ouvrage qui reste à faire s’achève par la nature seule, sans qu’il ait besoin d’y mettre la main. Mais du moment qu’un artisan, un for-

  1. Ceux qui font la guerre et qui, par conséquent, ne peuvent rien faire pour leur entretien, doivent être entretenus par l’industrie des autres ; et, dans un État purement militaire, le commerce et l’agriculture doivent être cultivés assez pour que ceux qui restent dans leurs foyers puissent subvenir aux besoins de ceux qui se battent pour eux. C’est alors, quand une petite portion de la population se charge des fournitures de guerre, qu’une nation peut se servir de sa population comme d’un instrument de guerre. C’est d’après ce module que se font formées les républiques belliqueuses de la Grèce et de Rome, et jamais, depuis, dans des États d’une égale étendue, un aussi grand déplacement de forces militaires ne s’est vu. Dans les temps modernes, à l’époque de l’invasion de leur pays en 1792, les Français, dans la défense de leur patrie, ont montré un zèle et un enthousiasme dignes du patriotisme des anciennes républiques, et ils finirent par devenir formidables aux États environnants. Mais, même dans cette guerre, les Français n’avaient jamais sous les armes une aussi grande portion de leur population que les anciennes républiques de Rome et de la Grèce. Buchanan.