Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/378

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ils n’ont jamais reconnu de semblable supériorité, s’emparer du droit de les gouverner.

La distinction de naissance étant une suite de l’inégalité de fortune, ne peut avoir lieu chez des peuples chasseurs, parmi lesquels tous les hommes, étant égaux en fortune, doivent pareillement être à peu près égaux par la naissance. À la vérité, le fils d’un homme sage ou vaillant peut bien, même chez eux, être un peu plus considéré qu’un homme de mérite égal qui aura le malheur d’être fils d’un imbécile ou d’un lâche. Avec cela, la différence ne sera pas très-sensible, et je ne pense pas qu’il y ait jamais eu aucune grande famille dans le monde qui ait tiré toute son illustration de la sagesse et de la vertu de sa souche.

Chez des nations de pasteurs, non-seulement la distinction de naissance peut avoir lieu, mais même elle y existe toujours. Ces nations ne connaissent aucune espèce de luxe, et chez elles la grande richesse ne peut jamais être dissipée par des prodigalités imprudentes. Aussi, n’y a-t-il pas de nations qui abondent davantage en familles révérées et honorées comme comptant une longue suite d’ancêtres distingués et illustres, parce qu’il n’y a pas de nations chez lesquelles la richesse soit dans le cas de se perpétuer plus longtemps dans les mêmes familles.

La naissance et la fortune sont évidemment les deux circonstances qui contribuent le plus à placer un homme au-dessus d’un autre. Ce sont les deux grandes sources des distinctions personnelles, et ce sont, par conséquent, les causes principales qui établissent naturellement de l’autorité et de la subordination parmi les hommes. Chez des peuples pasteurs, chacune de ces deux causes opère dans la plénitude de sa force. Le grand pasteur ou grand propriétaire de troupeaux, considéré à cause de ses immenses richesses, respecté à cause du grand nombre de personnes qu’il fait subsister, vénéré à cause de la noblesse de sa naissance et de l’ancienneté immémoriale de son illustre famille, a une autorité naturelle sur tous les pasteurs ou bergers inférieurs de sa horde ou de sa tribu. Il peut commander aux forces réunies d’un plus grand nombre d’hommes qu’aucun d’eux. Sa puissance militaire est plus grande que celle d’aucun d’eux. En temps de guerre, ils sont tous naturellement plus disposés à se ranger sous sa bannière que sous celle de toute autre ; ainsi, sa naissance et sa fortune lui donnent naturellement une sorte de pouvoir exécutif. D’un autre côté, en commandant une réunion de forces plus nombreuses qu’aucun d’eux, il est plus en état de contraindre celui d’entre eux qui aurait pu faire tort à quel-