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Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/387

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à sa place. Dans les progrès de la grandeur romaine, le soin des affaires politiques de l’État donna trop d’occu­pation au consul, pour qu’il pût vaquer à l’administration de la justice. On établit donc un prêteur pour juger à sa place. Dans le cours des progrès des monarchies européennes qui furent fondées sur les ruines de l’empire romain, les souverains et les grands seigneurs en vinrent partout à regarder l’administration de la justice comme une fonction à la fois trop fatigante et trop peu noble pour la remplir eux-mêmes en personne. Partout, en conséquence, ils s’en débarrassèrent en établissant un lieutenant, juge ou bailli.

Quand le pouvoir judiciaire est réuni au pouvoir exécutif, il n’est guère possible que la justice ne se trouve pas souvent sacrifiée à ce qu’on appelle vulgairement des considérations politiques. Sans qu’il y ait même aucun motif de corruption en vue, les personnes dépositaires des grands intérêts de l’État peuvent s’imaginer quelquefois que ces grands intérêts exigent le sacrifice des droits d’un particulier. Mais c’est sur une administration impartiale de la justice que reposent la liberté individuelle de chaque citoyen, le sentiment qu’il a de sa propre sûreté. Pour faire que chaque indivi­du se sente parfaitement assuré dans la possession de chacun des droits qui lui appartiennent, non-seulement il est nécessaire que le pouvoir judiciaire soit séparé du pouvoir exécutif, mais il faut même qu’il en soit rendu aussi indépendant qu’il est possible. Il faut que le juge ne soit pas sujet à être déplacé de ses fonctions, d’après la décision arbitraire du pouvoir exécutif ; il faut encore que le payement régulier de son salaire ne dépende pas de la bonne volonté ni même de la bonne économie de ce pouvoir.


SECTION TROISIÈME
Des dépenses qu’exigent les travaux et établissements publics


Le troisième et dernier des devoirs du souverain ou de la république est celui d’élever et d’entretenir ces ouvrages et ces établissements publics dont une grande société retire d’immenses avantages, mais qui sont néanmoins de nature à ne pouvoir être entrepris ou entretenus par un ou par quelques particuliers, attendu que, pour ceux-ci, le profit ne saurait jamais leur en rembourser la dépense. Ce devoir exige aussi, pour le remplir, des dépenses dont l’étendue varie selon les divers degrés d’avan­cement de la société.