Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/386

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possible, le produit du droit de timbre. L’usage, dans l’Europe moderne, a été de régler, la plupart du temps, le payement des procureurs et greffiers des tribunaux d’après le nombre de pages de leurs écritures, le règlement exigeant toutefois que chaque page contînt tant de lignes, et chaque ligne tant de mots. Les procureurs et greffiers, pour augmenter leurs profits, ont imaginé de multiplier les mots sans aucune nécessité, à un tel point qu’il n’est pas, je crois, une cour de justice en Europe dont ils n’aient totalement corrompu le style. Une tentation pareille pourrait peut-être donner lieu à une corruption du même genre dans les formes de la procédure[1].

Mais, soit qu’on imagine un moyen pour que l’administration judiciaire prenne sur elle-même de quoi fournir à ses dépenses, soit qu’on attribue aux juges, pour leur entretien, des salaires fixes tirés de quelque autre fonds, toujours ne paraît-il pas nécessaire que celui ou ceux auxquels est confié le pouvoir exécutif soient chargés de la direction de ce fonds ou du payement de ces salaires. Ce fonds pourrait être formé du revenu de quelques propriétés foncières, et chaque cour particulière être chargée d’administrer les propriétés destinées à fournir à son entretien. Ce fonds pourrait être fait aussi avec l’intérêt d’une somme d’argent, et la cour être chargée d’administrer le capital consacré à cet objet. Une portion (très-petite, à la vérité) des salaires des juges de la cour de session d’Écosse provient de l’intérêt d’une somme d’argent. Néanmoins, l’instabilité d’un tel fonds paraît le rendre peu propre à servir à l’entretien d’une institution dont la nature est d’être perpétuelle.

La séparation du pouvoir judiciaire d’avec le pouvoir exécutif est provenue, dans l’origine, à ce qu’il semble, de la multiplication des affaires de la société, en conséquence des progrès de la civilisation. L’administration de la justice devint par elle-même une fonction assez pénible et assez compliquée pour exiger l’attention tout entière des personnes auxquelles elle était confiée. La personne dépositaire du pouvoir exécutif n’ayant pas le loisir de s’occuper par elle-même de la décision des causes privées, on commit un délégué pour les décider

  1. Toutes ces turpitudes sont encore autorisées aujourd’hui par les divers codes de procédure de l’Europe et exploitées sans miséricorde par les avoués, les huissiers et les gens de loi. Elles font la honte et le fléau de notre temps. Quand donc commencera la croisade qui doit y mettre un terme ? A. B.