Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/40

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foi à ce qui réellement n’en mérite guère, aux récits exagérés des Espagnols qui ont écrit sur l’état de ces empires. Or, des nations riches et civilisées peuvent toujours faire entre elles des échanges pour de bien plus grandes valeurs qu’elles ne peuvent en faire avec des peuples sauvages et barbares. Cependant, jusqu’à présent l’Europe a retiré bien moins d’avantages de son commerce des Indes orientales, que de celui de l’Amérique. Les Portugais s’approprièrent le monopole du commerce des Indes pendant près d’un siècle, et ce ne fut qu’indirectement et par leur canal que les autres nations de l’Europe purent y envoyer ou en recevoir des marchandises. Lorsqu’au commencement du dernier siècle les Hollandais commencèrent à leur arracher une partie de ce mono­pole, ces nouveaux conquérants investirent une compagnie exclusive de tout leur com­mer­ce aux Indes. Cet exemple a été suivi par les Anglais, les Français, les Sué­dois et les Danois, de manière qu’il n’y a pas de grande nation en Europe qui ait encore joui de la liberté du commerce des Indes orientales. Il ne faut pas chercher d’autre raison pour expliquer pourquoi ce commerce n’a jamais été aussi avantageux que celui d’Amérique, qui est toujours demeuré libre à tous les sujets avec leurs propres colonies, dans presque toutes les nations de l’Europe. Les privilèges exclusifs de ces compagnies des Indes, leurs grandes richesses, la faveur et la protection que ces richesses leur ont values auprès de leurs gouvernements respectifs, ont excité contre elles de grandes jalousies[1]. L’envie a souvent représenté leur commerce comme absolument pernicieux, sous le rapport des énormes sommes d’argent qu’il exporte chaque année du pays où il est établi. Les parties intéressées répondaient à cette objection, qu’il se pouvait bien, à la vérité, que leur commerce tendît, par cette conti­nuelle exportation d’argent, à appauvrir l’Europe en général, mais nullement le pays particulier qui faisait ce commerce, parce que, par l’exportation d’une partie des retours aux autres pays de l’Europe, il rentrait annuellement une bien plus grande quantité de ce métal qu’il n’en était sorti. L’objection et la réponse sont fondées l’une et l’autre sur cette idée populaire que j’ai discutée dans ce chapitre ; il est donc inutile d’y revenir davantage. L’exportation annuelle d’argent dans l’Inde fait vraisembla­ble­ment que la vaisselle est un peu plus chère en

  1. Voyez ci-après l’Histoire de la Compagnie des Indes anglaises, liv. V, chap. i, sect. iii.