Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/426

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la compagnie se trouve aujourd’hui (1784) en une plus grande détresse que jamais, et réduite encore une fois à recourir à l’assistance du gouvernement pour échapper à une banqueroute imminente. Différents plans ont été proposés dans le parlement, de la part de tous les partis, pour arriver à une meilleure administration de ses affaires ; tous ces plans semblent être d’accord sur un point qui a toujours été, dans le fait, extrêmement évident, c’est que la compagnie est totalement incapable de gouverner ses possessions territoriales. La compagnie elle-même paraît convaincue de sa propre incapacité, au moins sur cet article, et d’après cela semble disposée à les céder au gouvernement.

Au droit de posséder des forts et garnisons dans les pays lointains et non civilisés est nécessairement lié le droit de faire la paix et la guerre dans ces pays. Les compagnies par actions qui ont eu le premier de ces droits ont constamment exercé l’autre, et il leur a été même fréquemment conféré d’une manière expresse. Une expérience récente n’a que trop fait connaître avec quelle légèreté capricieuse, avec quelle injustice, avec quelle cruauté, elles ont communément exercé ce terrible droit.

Quand une société de marchands entreprend, à ses propres dépens et à ses risques, d’établir quelque nouvelle branche de commerce avec des peuples lointains et non civilisés, il peut être assez raisonnable de l’incorporer comme compagnie par actions, et de lui accorder, en cas de réussite, le monopole de ce commerce pour un certain nombre d’années. C’est la manière la plus naturelle et la plus facile dont l’État puisse la récompenser d’avoir tenté les premiers hasards d’une entreprise chère et périlleuse, dont le public doit ensuite recueillir le profit. Un monopole temporaire de ce genre peut être justifié par les mêmes principes qui font qu’on accorde un semblable monopole à l’inventeur d’une machine nouvelle, et celui d’un livre nouveau à son auteur. Mais, à l’expiration du terme, le monopole doit certainement être supprimé ; les forts et garnisons, s’il a été jugé nécessaire d’en établir, doivent être remis entre les mains du gouvernement, à la charge par lui d’en rembourser la valeur à la compagnie, et le commerce doit demeurer ouvert à tous les sujets de l’État. Par un monopole perpétuel, tous les autres citoyens se trouvent très-injustement grevés de deux différentes charges : la première résultant du haut prix des marchandises que, dans le cas d’un commerce libre, ils eussent achetées à beaucoup meilleur marché ; et la seconde résultant de l’exclusion totale