Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/427

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d’une branche d’affaires à laquelle plusieurs d’entre eux auraient pu se livrer avec du profit et de l’agrément ; et c’est d’ailleurs pour en faire le plus indigne emploi qu’on les charge de ce double impôt ; c’est uniquement pour mettre la compagnie à même de soutenir la négligence, la prodigalité et les malversations de ses agents, dont la conduite désordonnée lui laisse rarement un dividende au-dessus du taux ordinaire des profits dans les commerces absolument libres, et très-souvent même le fait tomber beaucoup au-dessous. Cependant il paraîtrait, d’après l’expérience, que sans le secours du monopole, une compagnie par actions ne saurait se soutenir longtemps dans une branche de commerce étranger. Acheter dans un marché, dans la vue de revendre avec profit dans un autre, quand il se trouve dans tous les deux beaucoup de concurrents ; épier non-seulement les variations accidentelles de la demande, mais encore les variations bien plus grandes et bien plus fréquentes de la concurrence ou de l’approvisionnement que les autres concurrents pourront amener au marché, en conséquence de l’état des demandes ; faire cadrer avec discernement et habileté, d’après toutes les circonstances, tant la qualité que la quantité de chaque assortiment de marchandises, c’est une sorte de petite guerre dont les opérations doivent changer à tout moment, et qui ne peut guère jamais être conduite avec succès, à moins d’une vigilance sans relâche et d’une attention toujours tendue, telles qu’il n’est pas possible d’en attendre pendant longtemps de la part d’une compagnie par actions. La compagnie des Indes Orientales a le droit, par acte du parlement, après la parfaite liquidation de son fonds, et à l’expiration de son privilège exclusif, de rester en société par actions et de continuer en corps à commercer aux Indes, concurremment avec le reste des sujets de la Grande-Bretagne. Mais dans une telle situation, selon toutes les probabilités, la supériorité qu’auraient sur elle les spéculateurs particuliers, du côté de l’attention et de la vigilance, la dégoûterait bien vite de continuer ce commerce.

Un auteur français, très-distingué par ses connaissances en matière d’économie politique, l’abbé Morellet, donne la liste de cinquante-cinq compagnies par actions pour le commerce étranger, qui se sont établies en divers endroits de l’Europe depuis 1600, et qui, selon lui, ont toutes failli par les vices de leur administration, quoiqu’elles eussent des privilèges exclusifs. Il a été mal informé sur le compte de deux ou trois d’entre elles qui n’étaient pas des compagnies par actions, et qui n’ont