Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/436

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s’exposer à la risée de ses auditeurs, ou sans être obligé de leur débiter des impertinences ou des absurdités. En même temps, la discipline établie dans le collège lui donne le moyen d’obliger ses élèves à assister le plus régulièrement possible à cette prétendue leçon, et de maintenir entre eux, pendant tout le temps qu’elle dure, la contenance la plus décente et la plus respectueuse.

La discipline des collèges et des universités, en général, n’est pas instituée pour l’avantage des écoliers, mais bien pour l’intérêt, ou, pour mieux dire, pour la commodité des maîtres[1]. Son objet est de maintenir l’autorité du maître en toutes circonstances, et de quelque manière qu’il se comporte, qu’il remplisse ses devoirs ou qu’il les néglige, d’obliger les écoliers, dans tous les cas, à se conduire à son égard comme s’il enseignait avec le plus grand talent et la plus parfaite exactitude. Elle semble supposer du côté du maître toute la sagesse et la

  1. Adam Smith se montre ici d’une partialité étrange. Il semblerait au contraire que la discipline des collèges est surtout favorable aux études, et par conséquent aux écoliers plutôt qu’aux maîtres, à qui le désordre ne saurait profiter sans doute, mais qui en souffriraient beaucoup moins, assurément, que leurs élèves. Nous n’admettons pas non plus ce que l’auteur ajoute un peu plus bas de l’inutilité de la discipline pour les jeunes gens, après l’âge de douze à treize ans. C’est principalement à cet âge, et même après vingt ans, que la sévérité d’une règle nous parait indispensable. On n’a qu’à observer ce qui se passe dans nos grandes écoles libres, telles que les facultés de droit et de médecine, ainsi que dans les universités anglaises et allemandes, pour se bien convaincre des inconvénients de la tolérance extrême qui y règne, et du dommage qu’en éprouvent ces milliers de candidats avortés, dont les échecs sont beaucoup moins dus à la faiblesse de leur intelligence qu’à celle de leurs supérieurs. Je suis persuadé, pour mon compte, et je crois avoir le droit de le dire après une expérience de plus de vingt ans dans la direction et l’enseignement de la jeunesse, que l’Europe voit s’évanouir chaque année d’immenses ressources intellectuelles par suite de l’indiscipline qui est tolérée dans les grands établissements d’instruction publique. Le désordre est incomparablement plus frappant dans les facultés et universités que dans les collèges. En France surtout, cette plaie appelle à un très-haut degré la sollicitude des hommes sérieux. Quelque opinion qu’on ait du régime impérial, lu discipline sévère qu’il avait établie dans l’université était un pas vers le progrès, j’ai presque dit la source de tous les progrès ; la liberté qui y règne aujourd’hui est un obstacle fâcheux, sans parler des autres. Pour moi, je préfère ici les idées de Napoléon à celles d’Adam Smith. A. B.