Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/451

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

particulièrement à Athènes, les cours ordinaires de justice consistaient en des portions nombreuses du peuple et, par conséquent, en des assemblées tumultueuses, qui le plus souvent décidaient au hasard ou selon que la clameur, la faction ou l’esprit de parti venait à entraîner la décision. La honte d’avoir rendu une sentence injuste, étant répartie entre cinq cents, mille ou quinze cents personnes (car quelques-unes de leurs cours étaient aussi nombreuses), devenait une charge assez peu sensible pour chaque individu. À Rome, au contraire, les principales cours de justice étaient composées d’un seul juge ou d’un petit nombre de juges, dont l’honneur ne pouvait manquer d’être extrêmement compromis par une décision injuste ou inconsidérée, attendu surtout qu’ils délibéraient toujours en public. Dans les questions douteuses, le soin extrême que ces juges avaient de se garantir de tout reproche, faisait qu’ils cherchaient naturellement à se retrancher derrière l’exemple ou les jugements précédents des juges qui avaient siégé avant eux, ou dans la même cour, ou dans quelque autre. Cette attention à la pratique reçue et aux décisions précédentes fit que les lois romaines furent arrangées dans ce système régulier et méthodique dans lequel elles sont parvenues jusqu’à nous ; et une pareille attention, dans tout autre endroit où elle a eu lieu, a produit le même effet sur les lois du pays. Cette supériorité des mœurs des Romains sur celles des Grecs, si fort remarquée par Polybe et Denis d’Halicarnasse, fut due vraisemblablement à la constitution plus parfaite de leurs cours de justice, plutôt qu’à aucune des circonstances auxquelles ces auteurs l’attribuent. On dit que les Romains étaient particulièrement distingués par un plus grand respect de la religion du serment. Mais des gens accoutumés à ne prêter de serment que devant une cour de justice éclairée et vigilante devaient naturellement avoir bien plus d’égard à la chose qu’ils avaient jurée, qu’un peuple habitué à remplir la même forme devant des assemblées populaires et tumultueuses.

On m’accordera sans peine que les talents civils et militaires des Grecs et des Romains étaient pour le moins égaux à ceux de quelque nation moderne que ce soit. Nous sommes plutôt portés, par préjugé, à en exagérer le mérite. Or, si l’on en excepte ce qui avait rapport aux exercices militaires, il ne paraît pas que l’État ait pris la moindre peine pour former ces grands talents ; car on ne me fera jamais croire qu’on en était redevable à l’éducation musicale des Grecs. Il n’y manqua ce-