Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/454

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le cas de devenir mères de famille, et de se comporter, quand elles le seront devenues, d’une manière convenable à cet état. Dans toutes les époques de sa vie, une femme sent qu’il n’y a aucune partie de son éducation dont elle ne tienne quelque avantage ou quelque agrément. Il arrive rarement que, dans aucun instant de sa carrière, un homme retire quelque utilité ou quelque plaisir de certaines parties de son éducation, qui en ont été les plus fatigantes et les plus ennuyeuses.

L’État ne devrait-il donc s’occuper en aucune manière, va-t-on me demander, de l’éducation du peuple ? Ou s’il doit s’en occuper, quelles sont les différentes parties de l’éducation auxquelles il devrait donner des soins dans les différentes classes du peuple ? Et de quelle manière doit-il donner ces soins ?

Dans certaines circonstances, l’état de la société est tel qu’il place nécessairement la plus grande partie des individus dans des situations propres à former naturellement en eux, sans aucuns soins de la part du gouvernement, presque toutes les vertus et les talents qu’exige ou que peut comporter peut-être cet état de société. Dans d’autres circonstances, l’état de la société est tel qu’il ne place pas la plupart des individus dans de pareilles situations, et il est indispensable que le gouvernement prenne quelques soins pour empêcher la dégénération et la corruption presque totale du corps de la nation.

Dans les progrès que fait la division du travail, l’occupation de la très-majeure partie de ceux qui vivent de travail, c’est-à-dire de la masse du peuple, se borne à un très-petit nombre d’opérations simples, très-souvent à une ou deux. Or, l’intelligence de la plupart des hommes se forme nécessairement par leurs occupations ordinaires. Un homme qui passe toute sa vie à remplir un petit nombre d’opérations simples, dont les effets sont aussi peut-être toujours les mêmes ou très-approchant les mêmes, n’a pas lieu de développer son intelligence ni d’exercer son imagination à chercher des expédients pour écarter des difficultés qui ne se rencontrent jamais ; il perd donc naturellement l’habitude de déployer ou d’exercer ces facultés et devient, en général, aussi stupide et aussi ignorant qu’il soit possible à une créature humaine de le devenir ; l’engourdissement de ses facultés morales le rend non-seulement incapable de goûter aucune conversation raisonnable ni d’y prendre part, mais même d’éprouver aucune affection noble, généreuse ou tendre et, par conséquent, de former aucun jugement un peu juste sur la plupart des devoirs même les plus ordinaires de la