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Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/456

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tions dans la société en général. Il n’y a guère d’homme qui ne fasse ou ne soit capable de faire presque tout ce qu’un autre homme fait ou peut faire. Tout homme a bien un certain degré de connaissance, d’habileté et d’imagination, mais il n’y a guère d’individu qui y possède ces qualités à un haut degré, quoique toutefois le degré auquel on les y possède communément soit, en général, tout ce qu’il faut pour conduire des affaires simples comme celles d’une telle société. Dans un État civilisé, au contraire, quoiqu’il y ait peu de variété dans les occupations de la majeure partie des individus, il y en a une presque infinie dans celles de la société en général. Cette multitude d’occupations diverses offre une variété innombrable d’objets à la médita­tion de ce petit nombre d’hommes qui, n’étant attachés à aucune occupation en parti­culier, ont le loisir et le goût d’observer les occupations des autres. En contemplant une aussi grande quantité d’objets variés, leur esprit s’exerce nécessairement à faire des combinaisons et des comparaisons sans fin, et leur intelligence en acquiert un degré extraordinaire de sagacité et d’étendue. Cependant, à moins qu’il n’arrive que ce petit nombre d’hommes se trouve placé dans des situations absolument particulières, leurs grands talents, tout honorables qu’ils sont pour eux-mêmes, contribuent fort peu au bonheur ou au bon gouvernement de la société dont ils sont membres. Malgré les talents relevés de ce petit nombre d’hommes distingués, tous les plus nobles traits du caractère de l’homme peuvent être en grande partie effacés et anéantis dans le corps de la nation.

L’éducation de la foule du peuple, dans une société civilisée et commerçante, exige peut-être davantage les soins de l’État que celle des gens mieux nés et qui sont dans l’aisance. Les gens bien nés et dans l’aisance ont, en général, dix-huit à dix-neuf ans avant d’entrer dans les affaires, dans la profession ou le genre de commerce qu’ils se proposent d’embrasser. Ils ont avant cette époque tout le temps d’acquérir, ou au moins de se mettre dans le cas d’acquérir par la suite toutes les connaissances qui peuvent leur faire obtenir l’estime publique ou les en rendre dignes ; leurs parents ou tuteurs sont assez jaloux, en général, de les voir ainsi élevés, et sont le plus souvent disposés à faire toute la dépense qu’il faut pour y parvenir. S’ils ne sont pas toujours très-bien élevés, c’est rarement faute de dépenses faites pour leur donner de l’éducation, c’est plutôt faute d’une application convenable de ces dépenses. Il est rare que ce soit faute de maîtres, mais c’est souvent à