Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/460

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ques-unes de nos milices modernes, il faut dans le gouvernement une vigilance active et continuelle, sans quoi ils ne manquent jamais de tomber en désuétude, puis enfin dans un oubli total. D’ailleurs, les anciennes institutions avaient une influence beaucoup plus universelle. Par leur moyen, tout le corps de la nation était complètement formé à l’usage des armes, tandis que, par les règlements de nos milices modernes, il n’y a qu’une très-petite partie de la nation qui puisse être exercée, si l’on en excepte peut-être les milices de la Suisse. Or, un homme lâche, un homme incapable de se défendre ou de se venger d’un affront, manque d’une des parties les plus essentielles au caractère d’un homme. Il est aussi mutilé et aussi difforme dans son âme, qu’un autre l’est dans son corps lorsqu’il est privé de quelques-uns des membres les plus essentiels, ou qu’il en a perdu l’usage. Le premier est évidemment le plus affligé et le plus misérable des deux, parce que le bonheur et le malheur résidant entièrement dans la partie intellectuelle, ils doivent nécessairement dépendre davantage de l’état de santé ou de maladie de l’âme, de la régularité ou des vices de sa conformation, plutôt que de la constitution physique de l’individu. Quand même le caractère martial d’un peuple ne devrait être d’aucune utilité pour la défense de la société, cependant le soin de préserver le corps de la nation de cette espèce de mutilation morale, de cette honteuse difformité et de cette condition malheureuse qu’entraîne avec soi la poltronnerie, est une considération encore assez puissante pour mériter de la part du gouvernement la plus sérieuse attention ; de même que ce serait un objet digne de la plus sérieuse attention d’empêcher qu’il ne se répandît parmi le peuple une lèpre ou quelque autre incommodité malpropre et répugnante, encore qu’elle ne fût ni mortelle ni dangereuse. Quand il ne pourrait résulter d’une telle attention aucun bien public qui fût positif, n’en serait-ce pas toujours un que d’avoir prévenu un aussi grand mal public ?

On en peut dire autant de la stupidité et de l’ignorance crasse qui semblent si souvent abâtardir l’intelligence des classes inférieures du peuple dans une société civilisée. Un homme qui n’a pas tout l’usage de ses facultés intellectuelles est encore plus avili, s’il est possible, qu’un poltron même ; il est mutilé et difforme, à ce qu’il semble, dans une partie encore plus essentielle du caractère de la nature humaine. Quand même l’État n’aurait aucun avantage positif à retirer de l’instruction des classes inférieures du peuple, il n’en serait pas moins