Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/465

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que cette activité intéressée du clergé est ce que tout sage législateur doit s’attacher à prévenir, parce que, dans toute religion (excepté la véritable), elle est extrêmement dangereuse, et qu’elle a même une tendance naturelle à corrompre la vraie religion en y mêlant une forte dose de superstition, de sottises et de tromperies. Chacun de ces inspirés prédicants, pour se rendre plus cher et plus sacré aux yeux de ses fidèles, cherchera à exciter l’horreur la plus forte contre toutes les autres sectes, et mettra continuellement ses efforts à ranimer par quelque nouveauté la dévotion languissante de son auditoire. Dans la doctrine qu’on inculquera dans l’esprit du peuple, ni la vérité, ni la morale, ni la décence ne seront respectées. On prêchera de préférence toute maxime qui s’accordera mieux avec les affections désordonnées du cœur humain. Pour attirer la pratique à chaque conventicule particulier, on s’attachera à travailler, chaque jour avec plus d’adresse et d’activité, les passions et la crédulité de la populace. Au bout de tout, le magistrat civil finira par s’apercevoir qu’il a payé bien cher son économie prétendue d’épargner la dépense d’un établissement fixe pour les prêtres, et que dans la réalité la manière la plus avantageuse et la plus décente dont il puisse composer avec les guides spirituels, c’est d’acheter leur indolence en assignant des salaires fixes à leur profession, et leur rendant superflue toute autre activité que celle qui se bornera simplement à empêcher leur troupeau d’aller s’égarer loin de leur bercail, à la recherche d’une nouvelle pâture ; et sous ce rapport les établissements ecclésiastiques, qui d’abord ont été fondés dans des vues religieuses, finissent cependant par servir avantageusement les intérêts politiques de la société. »

Mais, quels que puissent avoir été les bons ou mauvais effets de revenus indépendants qu’on a fondés pour le clergé, il est peut-être bien rare que ces effets soient entrés pour la moindre chose dans les motifs de ces fondations. Les temps où les controverses religieuses ont éclaté avec violence ont été, en général, des temps où les factions politiques ne se sont pas fait sentir avec moins de force. Dans ces occasions, chaque parti politique a trouvé ou imaginé qu’il était dans son intérêt de se liguer avec l’une ou l’autre des sectes religieuses opposées. Mais ceci ne pouvait se faire qu’en adoptant, ou au moins en favorisant la doctrine de cette secte particulière. Celle qui avait eu le bonheur de se lier au parti triomphant partageait nécessairement dans