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Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/470

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Un homme de basse condition, au contraire, est bien loin d’être un membre distingué d’une grande société. Tant qu’il demeurera à la campagne, dans un village, on peut avoir les yeux sur sa conduite, et il peut être obligé de s’observer. C’est dans cette situation, et dans celle-là seulement, qu’on peut dire qu’il a une réputation à ménager. Mais sitôt qu’il vient dans une grande ville, il est plongé dans l’obscurité la plus profonde ; personne ne le remarque ni ne s’occupe de sa conduite ; il y a dès lors beaucoup à parier qu’il n’y veillera pas du tout lui-même, et qu’il s’abandonnera à toutes sortes de vices et de débauche honteuse. Il ne sort jamais plus sûrement de cette obscurité, sa conduite n’excite jamais autant l’attention d’une société respectable, que lorsqu’il devient membre de quelque petite secte religieuse ; dès ce moment, il acquiert un degré de considération qu’il n’avait jamais eu auparavant. Tous les frères de sa secte sont intéressés, pour l’honneur de la secte, à veiller sur sa conduite ; et s’il cause quelque scandale, s’il vient à trop s’écarter de cette austérité de mœurs qu’ils exigent presque toujours les uns des autres, ils s’empressent de l’en punir par ce qui est toujours une punition très-sévère, même quand il n’en résulte aucun effet civil, l’expulsion ou l’excommunication de la secte. Aussi, dans les petites sectes religieuses, les mœurs des gens du peuple sont presque toujours d’une régularité remarquable et, en général, beaucoup plus que dans l’église établie. Souvent, à la vérité, les mœurs de ces petites sectes ont été plutôt dures que sévères, et même jusqu’à en être farouches et insociables.

Il y a néanmoins deux moyens très-faciles et très-efficaces qui, réunis, pourraient servir à l’État pour corriger sans violence ce qu’il y aurait de trop austère ou de vraiment insociable dans les mœurs de toutes les petites sectes entre lesquelles le pays serait divisé.

Le premier de ces deux moyens, c’est l’étude des sciences et de la philosophie, que l’État pourrait rendre presque universelle parmi tous les gens d’un rang et d’une fortune moyenne, ou plus que moyenne, non pas en donnant des gages à des professeurs pour en faire des paresseux et des négligents, mais en instituant même dans les sciences les plus élevées et les plus difficiles quelque espèce d’épreuve ou d’examen que serait tenue de subir toute personne qui voudrait avoir la permission d’exercer une profession libérale, ou qui se présenterait comme candidat pour une place honorable ou lucrative. Si l’État mettait cette classe de personnes dans la nécessité de s’instruire,