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Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/478

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son exemption totale de la juridiction séculière, ou ce qu’on appelle en Angleterre le bénéfice de clergie, étaient une suite naturelle ou plutôt nécessaire de cet état de choses. Combien n’eût-il pas été dangereux pour le souverain de vouloir punir un homme d’église pour un crime quelconque, si l’ordre dont celui-ci était membre avait été disposé à le protéger, et à représenter ou les preuves comme trop faibles pour convaincre un aussi saint personnage, ou le châtiment comme trop sévère pour être infligé à celui dont la religion avait rendu la personne sacrée ! Dans de pareilles circonstances, le souverain n’avait rien de mieux à faire que de le laisser juger par les tribunaux ecclésiastiques, qui, pour l’honneur même de leur ordre, étaient intéressés à prévenir, autant que possible, parmi leurs membres, les crimes d’éclat, ou même ces actions scandaleuses faites pour aliéner l’esprit du peuple.

Dans l’état des choses qui eut lieu presque par toute l’Europe pendant le cours des dixième, onzième, douzième et treizième siècles, et quelque temps encore tant avant qu’après cette période, la constitution de l’Église de Rome peut être regardée comme la combinaison la plus formidable qui ait été formée contre l’autorité et la sûreté du gouvernement civil, aussi bien que contre la liberté, la raison et le bonheur du genre humain, qui ne peuvent jamais régner et prospérer que sous la protection du gouvernement civil. Dans cette constitution, les impostures et les illusions les plus grossières de la superstition se trouvèrent si fortement liées aux intérêts privés d’une immense multitude de gens, qu’elles étaient hors de toute atteinte des traits de la raison humaine ; car, encore bien que la raison eût peut-être pu venir à bout de dévoiler, même aux yeux du commun du peuple, quelques-unes de ces erreurs superstitieuses, elle n’aurait néanmoins jamais pu détacher entièrement les liens de l’intérêt privé. Si cette constitution n’eût eu d’autres attaques à essuyer que les faibles efforts de la raison, elle aurait sans doute duré à jamais. Mais cet édifice immense et si habilement construit, que toute la sagesse et toute la vertu humaine n’eussent jamais pu ébranler, encore moins renverser, s’est vu par le cours naturel des choses, d’abord affaibli, ensuite en partie démoli, et peut-être ne lui faut-il plus aujourd’hui que quelques siècles encore pour qu’il s’écroule tout à fait.

Les progrès successifs des arts, des manufactures et du commerce, les mêmes causes qui détruisirent la puissance des seigneurs, ont dé-