Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/48

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Quant à la question de savoir quelle est l’espèce d’industrie nationale que son capi­tal peut mettre en œuvre, et de laquelle le produit promet de valoir davantage, il est évident que chaque individu, dans sa position particulière, est beaucoup mieux à mê­me d’en juger qu’aucun homme d’État ou législateur ne pourra le faire pour lui. L’hom­me d’État qui chercherait à diriger les particuliers dans la route qu’ils ont à tenir pour l’emploi de leurs capitaux, non-seulement s’embarrasserait du soin le plus inutile, mais encore il s’arrogerait une autorité qu’il ne serait pas sage de confier, je ne dis pas à un individu, mais à un conseil ou à un sénat, quel qu’il pût être ; autorité qui ne pourrait jamais être plus dangereusement placée que dans les mains de l’homme assez insensé et assez présomptueux pour se croire capable de l’exercer.

Accorder aux produits de l’industrie nationale, dans un art ou dans un genre de manufacture particulier, le monopole du marché intérieur, c’est en quelque sorte diriger les particuliers dans la route qu’ils ont à tenir pour l’emploi de leurs capitaux et, en pareil cas, prescrire une règle de conduite est presque toujours inutile ou nuisi­ble. Si le produit de l’industrie nationale peut être mis au marché à aussi bon compte que celui de l’industrie étrangère, le précepte est inutile ; s’il ne peut pas y être mis à aussi bon compte, le précepte sera, en général, nuisible, La maxime de tout chef de famille prudent est de ne jamais essayer de faire chez soi la chose qui lui coûtera moins à acheter qu’à faire. Le tailleur ne cherche pas à faire ses souliers, mais il les achète du cordonnier ; le cordonnier ne tâche pas de faire ses habits, mais il a recours au tailleur ; le fermier ne s’essaye point à faire les uns ni les autres, mais il s’adresse à ces deux artisans et les fait travailler. Il n’y en a pas un d’eux tous qui ne voie qu’il y va de son intérêt d’employer son industrie tout entière dans le genre de travail dans lequel il a quelque avantage sur ses voisins, et d’acheter toutes les autres choses dont il peut avoir besoin, avec une partie du produit de cette industrie, ou, ce qui est la même chose, avec le prix d’une partie de ce produit.

Ce qui est prudence dans la conduite de chaque famille en particulier, ne peut guère être folie dans celle d’un grand empire. Si un pays étranger peut nous fournir une marchandise à meilleur marché que nous ne sommes en état de l’établir nous-mê­mes, il vaut bien mieux que nous la lui achetions avec quelque partie du produit de notre propre industrie, employée dans le genre dans lequel nous avons quelque avan­tage. L’industrie générale du pays étant toujours en proportion du