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Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/513

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fourniraient de l’occupation et des moyens de subsistance à beaucoup de monde. Ainsi, tandis que d’un côté il oblige le peuple à payer, de l’autre il diminue ou peut-être anéantit quelques-unes des sources qui pourraient le mettre plus aisément dans le cas de le faire ; 3° par les confiscations, amendes et autres peines qu’encourent ces malheureux qui succombent dans les tentatives qu’ils ont faites pour éluder l’impôt, il peut souvent les ruiner et par là anéantir le bénéfice qu’eût recueilli la société de l’emploi de leurs capitaux. Un impôt inconsidérément établi offre un puissant appât à la fraude. Or, il faut accroître les peines de la fraude à proportion qu’augmente la tentation de frauder. La loi, violant alors les premiers principes de la justice, commence par faire naître la tentation, et punit ensuite ceux qui y succombent ; et ordinairement elle enchérit aussi sur le châtiment, à proportion qu’augmente la circonstance même qui devrait le rendre plus doux, c’est-à-dire la tentation de commettre le crime[1]. L’impôt, en assujettissant le peuple aux visites réitérées et aux recherches odieuses des percepteurs, peut l’exposer à beaucoup de peines inutiles, de vexations et d’oppressions ; et quoique, rigoureusement parlant, les vexations ne soient pas une dépense, elles équivalent certainement à la dépense aux prix de laquelle un homme consentirait volontiers à s’en racheter. C’est de l’une ou de l’autre de ces quatre manières différentes que les impôts sont souvent onéreux au peuple, dans une proportion infiniment plus forte qu’ils ne sont profitables au souverain.

La justice et l’utilité évidente des quatre maximes précédentes ont fait que toutes les nations y ont eu plus ou moins égard. Toutes les nations ont fait de leur mieux pour chercher à rendre leurs impôts aussi également répartis, aussi certains, aussi commodes pour le contribuable, quant à l’époque et au mode de payement, et aussi peu lourds

  1. Voyez Esquisse de l’histoire de l’homme, page 474 et suiv. (Cet ouvrage est de lord Kaimes.) (Note de l’auteur.)