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Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/53

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de bestiaux pour la Grande-Bretagne. La plus grande liberté donnée à l’importation du bétail étranger aurait pour tout effet d’empêcher que ces pays qui font des élèves ne prissent avantage de l’accroissement de population du reste du royaume et des progrès de son amélioration, qu’ils ne fissent monter leurs prix à un point exorbitant, et ne levassent ainsi un véritable impôt sur toutes les parties du pays plus améliorées et mieux cultivées.

De même, la plus grande liberté dans l’importation des viandes salées aurait tout aussi peu d’effet sur le commerce des nourrisseurs de bestiaux de la Grande-Bretagne, que celle du bétail en vie. Non-seulement les viandes salées sont une marchandise d’un gros volume, mais, comparées aux viandes fraîches, c’est une marchandise de bien moindre qualité et à la fois plus chère, puisqu’elle coûte plus de travail et de dépense. Elles ne pourraient donc jamais venir en concurrence avec les viandes fraîches du pays, mais tout au plus avec ses viandes salées. On pourrait s’en servir à ravitailler des vaisseaux pour des voyages de long cours et pour d’autres usages semblables, mais elles ne pourraient jamais faire une partie considérable de la nourriture du peuple. Ce qui prouve bien par expérience que nos nourrisseurs n’en ont rien à craindre, c’est la petite quantité de viandes salées importées d’Irlande, depuis qu’on en a rendu l’exportation libre. Il ne paraît pas que le prix de la viande de boucherie s’en soit jamais ressenti d’une manière notable.

La liberté même de l’importation du blé étranger ne toucherait que très-peu à l’intérêt des fermiers de la Grande-Bretagne. Le blé est une marchandise d’un bien plus grand encombrement que la viande de boucherie. Une livre de blé est aussi chère à un denier, qu’une livre de viande à quatre. La petite quantité de blé étranger importé, même dans les temps de la plus grande cherté, peut bien rassurer nos fermiers contre les suites d’une liberté illimitée d’importation. La quantité moyenne importée, une année dans l’autre, ne monte, suivant l’auteur très-instruit du Traité sur le commerce des blés, qu’à 23728 quarters de grains de toute espèce, et ne va pas au-delà d’un 571e de la consommation annuelle[1]. Mais, comme la prime sur le blé occasionne

  1. À l’époque où ce calcul fut établi, l’Angleterre exportait beaucoup. L’agriculture rendait beaucoup plus que les populations ne pouvaient consommer, et cet état de choses explique suffisamment pourquoi alors les importations de grains étaient peu considérables. Mais depuis lors les progrès des manufactures, ainsi que l’augmentation du travail ont produit un accroissement de population, à l’entretien de laquelle l’agriculture actuelle, malgré toutes ses améliorations, ne saurait plus suffire ; l’importation des grains a par conséquent augmenté, et se trouve en proportion plus grande relativement à la consommation entière. Pendant les années 1794, 1795 et 1796, la quantité des céréales de tout genre importées s’éleva, d’après les calculs soumis au parlement, à 4,111,325 quarts. On avait en outre, pendant ces trois années, importé 529,122 quintaux de fleur de farine, et de farine ; l’argent payé pour toutes ces fournitures s’éleva, selon l’évaluation établie, à 7,446,012 livres sterling (186,150,300 fr.). Une aussi grande importation devait naturellement produire une baisse dans les prix de tous les moyens de subsistance, et il est de l’intérêt des propriétaires et des fermiers de la prévenir. Mais il serait aussi injuste qu’impolitique d’arrêter l’importation des céréales, et de causer ainsi un préjudice considérable à la communauté, pour favoriser les intérêts des fermiers et des propriétaires. Une tentative de ce genre, faite pendant l’année 1813, fut abandonnée par suite de l’opposition générale et formidable qu’elle avait soulevée. Buchanan.