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Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/545

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ter avec une grande précision. Mais la somme totale de ce qu’il possède en capital est presque toujours un secret, et on ne peut guère s’en assurer avec une certaine exactitude ; elle est d’ailleurs sujette à varier presque à tout moment. Il ne se passe guère une année, souvent pas un mois, quelquefois pas un seul jour, sans qu’elle augmente ou diminue plus ou moins. Une inquisition sur la situation des affaires privées de chaque individu, et une inquisition qui, pour faire cadrer l’impôt avec cette situation, épierait toutes les fluctuations de sa fortune, serait une source si féconde de vexations continuelles et interminables, que personne au monde ne pourrait la supporter[1].

En second lieu, la terre est une chose qui ne peut s’emporter, tandis que le capital peut s’emporter très-facilement. Le propriétaire de terre est nécessairement citoyen du pays où est situé son bien. Le propriétaire de capital est proprement citoyen du monde, et il n’est attaché nécessairement à aucun pays en particulier. Il serait bientôt disposé à abandonner celui où il se verrait exposé à des recherches vexatoires qui auraient pour objet de le soumettre à un impôt onéreux, et il ferait passer son capital dans quelque autre lieu où il pourrait mener ses affaires et jouir de sa fortune à son aise. En emportant son capital, il ferait cesser toute l’industrie que ce capital entre­tenait dans le pays qu’il aurait quitté. C’est le capital qui met la terre en culture ; c’est le capital qui met le travail en activité. Un impôt qui tendrait à chasser les capitaux d’un pays tendrait d’autant à dessécher toutes les sources du revenu, tant du souverain que de la société. Ce ne seraient pas seulement les profits de capitaux, ce seraient encore la rente de la terre et les salaires du travail qui se trouveraient nécessairement plus ou moins diminués par cette émigration de capitaux.

Aussi, les nations qui ont essayé d’imposer le revenu provenant de capitaux ont été obligées, au lieu d’une inquisition rigoureuse de cette

  1. Par l’établissement dans ce pays d’une taxe sur la propriété ou plutôt sur les revenus, le taux des intérêts est, comme toute autre espèce de revenu, soumis à la contribution d’un dixième ; et comme c’est toujours l’emprunteur qui le paye et qui le fait entrer dans son compte en déduction de l’intérêt qui est dû au porteur, il ne manque pas d’être exactement perçu. La taxe sur les revenus du commerce est, sans aucun doute, souvent éludée ; et pour prévenir cette fraude, les employés chargés de prélever cet impôt sont autorisés à se livrer-à des recherches que, selon Adam Smith, aucun peuple ne voudrait longtemps supporter. Buchanan.