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Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/549

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a voulu mettre, non sur les capitaux, mais sur l’intérêt ou le revenu net des capitaux. L’impôt de Hollande est un impôt qu’on a entendu mettre sur les capitaux mêmes[1].


Impôts qui portent particulièrement sur les profits de certains emplois.


Dans quelques pays, on a établi des impôts extraordinaires sur les profits de capitaux, quelquefois sur ceux employés dans des branches particulières de commerce, et quelquefois même sur ceux placés dans l’agriculture.

  1. Les opinions d’Adam Smith relativement à l’influence des taxes sur les profits des différentes entreprises nous paraissent plus erronées encore que celles développés sur les taxes du revenu foncier. Il suppose qu’une pareille taxe, qu’elle frappe les profits de toutes les affaires, ou qu’elle n’atteigne qu’une ou plusieurs d’entre elles, ne sera jamais payée d’une manière permanente par ceux qu’elle aura frappés d’abord ; que les producteurs et les commerçants élèveront les prix de leurs marchandises à proportion de la taxe, de façon qu’en général le payement se fera non par eux, mais par les consommateurs. Une courte discussion démontrera l’erreur de cette opinion. Pour mettre en plus grande évidence ce que nous venons de dire à ce sujet, nous diviserons nos observations en deux parties. Nous supposerons, dans la première, que la taxe frappe les profits de tous les capitaux ; et dans la seconde, qu’elle n’est pas générale, et qu’elle affecte seulement les profits d’une ou de plusieurs branches de l’industrie.

    Si la taxe était universelle, elle frapperait évidemment les profits seuls sans modifier les prix des marchandises ou la distribution du capital ; nous avons démontré, en traitant des effets des variations dans le taux des salaires et profits sur les valeurs des marchandises, que tout ce qui affectait différentes classes de producteurs dans une mesure égale, ne pouvait changer ni leur position relative ni la valeur de leurs marchandises. Le même cas se présente quand il s’agit de la taxe en question. Un fabricant de lin ou de coton, frappé d’une taxe de 5 ou de 10 pour 100 sur ses profits, ne sera en aucune façon dans une position moins favorable que les autres, si tous se trouvent imposés dans la même proportion. Il est par conséquent évident que, dans ces circonstances, il ne pourra point éviter cette taxe en changeant d’affaires ; les capitaux, par conséquent, ne changeront pas d’emploi. Comme la taxe n’augmente pas la quantité de travail requise pour la fabrication des marchandises, les frais de production ne deviendront pas plus considérables ; la provision et la demande n’éprouveront pas de variation, et comme elle affectera plutôt les profits que les capitaux, les moyens de production ne seront pas diminués par suite de son établissement. Les moyens d’acheter de ceux qui vivent de profits seront sans doute diminués par suite de l’imposition de cette taxe ; mais, comme les moyens d’acheter dont disposeraient le gouvernement et ses agents qui perçoivent la taxe, seront augmentés en proportion de la diminution qu’auront éprouvée les contribuables, l’ensemble des demandes de la société restera le même ; et comme la taxe ne pourra ni diminuer la quantité du capital, ni affecter sa distribution, ni même diminuer la faculté d’acheter de ses produits, il est évident qu’elle n’occasionnera aucune variation dans le prix des marchandises. L’effet immédiat d’une taxe sur les profits, égale et universelle, sera de les faire baisser dans une même proportion, mais comme la possibilité d’accumuler des capitaux est toujours proportionnée au taux des profits, il s’ensuivra que la tendance et l’effet de pareilles taxes, quand elles sont assez élevées pour ne pas être balancées par l’industrie et l’économie, seront d’empêcher l’accumulation des capitaux et l’accroissement de la population.

    Mais, si la taxe n’était pas universelle et qu’elle affectât seulement les profits des capitaux engagés dans une ou plusieurs affaires, les effets en seraient tout à fait différents. En ce cas, elle ferait hausser les prix, et ne retomberait par conséquent sur les capitalistes qu’autant qu’ils consommeraient leurs produits. Supposons, par exemple, qu’une taxe de 10 pour 100 fût mise exclusivement sur les profits des chapeliers., il serait alors facile de démontrer que le prix des chapeaux augmentera en proportion ; car sans cette augmentation, les chapeliers gagneraient moins que les fabricants engagés dans d’autres affaires, et ils seraient forcés de retirer leurs capitaux de cet emploi ; les capitaux continueraient ainsi d’être retirés jusqu’à ce que, par la diminution de la provision des chapeaux, leur prix se fût élevé de manière à fournir le taux des profits ordinaires. Par la même raison, une taxe sur les profits du tailleur, du fermier, du [cordonnier, produirait une augmentation dans le prix des marchandises qu’ils portent sur le marché. Dans ce cas, les producteurs ont toujours la possibilité d’élever les prix et de faire porter la taxe sur les consommateurs, parce qu’ils peuvent retirer des capitaux des emplois dont les profits sont frappés d’une taxe pour les placer là où les profits ne le sont pas. Mais, quand toutes les affaires sont imposées d’une manière égale, cette ressource échappe aux capitalistes, et ils n’ont aucun moyen d’élever les prix ou d’éviter la taxe. Mac Culloch.