Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/604

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monopole ; la rente et le profit des terres en orge n’ont jamais été au-delà de leur proportion naturelle avec ceux des autres terres également fertiles et également bien cultivées. Les différents impôts qui ont été établis sur la drêche, la bière et l’ale, n’ont jamais fait baisser le prix de l’orge, n’ont jamais réduit la rente et le profit des terres en orge. Le prix de la drêche a monté certainement, pour le brasseur, à proportion des impôts mis sur cette denrée ; et ces impôts, ensemble les différents droits sur la bière et l’ale, ont constamment fait monter le prix de ces denrées pour le consommateur, ou bien, ce qui revient au même, ils en ont fait baisser la qualité. Le payement définitif de ces impôts est retombé constamment sur le consommateur et non sur le producteur.

Les seules personnes qui seraient dans le cas de souffrir du changement de système qu’on propose ici, ce sont celles qui brassent pour leur usage particulier. Mais l’exemption dont les classes supérieures du peuple jouissent aujourd’hui d’impôts très-lourds qui sont payés par l’ouvrier et l’artisan, est certainement la faveur la plus injuste et la plus contraire à l’égalité ; il faudrait la supprimer, même quand le changement proposé ne devrait jamais avoir lieu. C’est pourtant vraisemblablement l’intérêt de cette classe supérieure qui a empêché jusqu’à présent une réforme propre à amener à la fois de l’augmentation dans le revenu de l’État et du soulagement pour le peuple.

Outre ces sortes de droits, tels que ceux d’accise et de douane mentionnés ci-dessus, il y en a plusieurs autres qui influent sur le prix des marchandises d’une manière plus inégale et plus indirecte. De ce genre sont les droits qu’on nomme en France péages, qui étaient nommés droits de passage au temps des anciens Saxons, et qui semblent avoir été, dans l’origine, établis pour le même objet que nos droits de barrières, ou ceux perçus sur les canaux et les rivières navigables, en vue de pourvoir à l’entretien de la route ou de la navigation. La manière la plus convenable d’imposer ces droits, quand ils sont appliqués à leur véritable objet, est de taxer la marchandise d’après son volume ou son poids. Comme c’étaient, dans l’origine, des droits locaux et provinciaux destinés à des dépenses locales et provinciales, la régie en fut confiée le plus souvent à la ville, paroisse ou seigneurie particulière dans laquelle ils étaient perçus, ces communautés étant censées, d’une manière ou de l’autre, responsables du juste emploi des derniers. Le souverain, qui n’est tenu à aucune responsabilité, s’est emparé, dans plusieurs pays, de la régie de ces droits ; et quoiqu’il ait, la plupart du